En Europe, le Sud a tout inventé (Stop the Italian bashing !)

“[Au XIV^e siècle] les professionnels du crédit sont en grande partie italiens”

Lamberto Incarnati

Ce n’est pas pour faire mon malin, mais ayant l’heur de compter parmi mes plus proches amis des Français d’origine italienne, j’ai été choqué par la défiance et l’étonnement hautain de certains Gaulois à l’égard du civisme des Transalpins lors du confinement dû à la Covid-19. L’Italie, à l’heure où j’écris ces lignes, comptant plus de 32000 morts, a fait preuve d’une discipline exemplaire. Le nord de la Botte a été plutôt infecté que le sud. Normal, la Lombardie-Vénétie figure parmi les zones les plus industrialisées d’Europe. Faisant partie de l’Arc alpin (France, Suisse, Allemagne, Autriche), zone la plus féconde en produits manufacturés de haut de gamme du monde, il ne pouvait en être autrement. Eu égard aux échanges commerciaux.

Pour avoir trimé douze ans dans un groupe de presse berlusconien, je sais ô combien ! les Lombards sont plus rigides que les Prussiens… mais avec le sourire. Con il dito nel culo…

Comme l’a écrit l’historien des Annales Fernand Braudel, le sud de l’Europe a tout inventé. L’Italie du Nord, grâce à la filière de la laine, a créé dès le Moyen Âge de proto-usines, la banque, il banco sur lequel se tramaient les affaires commerciales. Le business des cités-monde a émergé via les échanges de loin en loin… 

Il a aussi créé l’esclavavisme moderne et sucrier dans des îles comme la Sicile. Préambule funeste à l’expansion du trafic négrier ultramarin.

Caput, la tête en latin, a donné le vocable capitalisme. Et cette tête n’est pas près de tomber…

De Marco Polo aux banquiers lombards qui ont renfloué la France déjà archipellisée, les cités vénitienne et génoise ont financé la première globalisation. Les expéditions portugaises et espagnoles ultramarines ont puisé leurs fonds dans les caisses de ces cités-monde. L’Amérique ne doit-elle pas son nom à un certain Americo Vespucci ? Qui, après son compatriote Christophe Colomb, a découvert que ce continent n’était point asiatique. 

 

Les Gaulois ne vivaient pas dans des huttes en bois. Ils étaient largement latinisés et « civilisés ». La Guerre des Gaules n’était pour Jules César qu’un prétexte pour asseoir son usurpation. (D’ailleurs, j’en voudrais toujours à mon pote Eugène de m’avoir supplanté en latin en 3^e, normal, il venait du Latium… Sto scherzando.)

Les cités italiennes furent submergées par Amsterdam, puis Londres. Elles n’en furent pas moins à l’origine de l’impérialisme européen. 

Il faut dire que l’Italie, unifiée grâce à un Garibaldi qui a refusé d’être le chef militaire de la Commune de Paris, a toujours eu, si l’on en croit feu Max Gallo, vingt ans d’avance en matière politique. Le fascisme, les idéologues marxistes Amadeo Bordiga ou Antonio Gramsci, le Compromis historique, l’eurocommunisme… mon cher Berlusconi. S’appuyant sur son réseau médiatique, encouragé dans l’Hexagone par François Mitterrand, il Cavaliere, alors soi-disant socialiste, a préfiguré Mickey Trompe. La télé paillettes au service de la société dite du spectacle. De fausses images, l’abolition de la lutte des classes. Les nichons, le pognon, l’arrogance pédocriminelle.

L’Italie bordélique a néanmoins le PIB de la Russie du médiatique Poutine, fantôme intriguant à la Mussolini. Juste retour des choses puisque c’est la Russie blanche qui a inauguré le proto-fascisme et sa terreur, qui n’avait rien à envier à celle des bolcheviques.

La Botte a inventé le football professionnel, les plus belles voitures, la mode classieuse, mais aussi Cinecittà, détruite en partie par la mafia berlusconienne. 

Mon ami Eugène m’a déclaré récemment : « Quand mon père est arrivé en France en 1958, il a évolué en milieu hostile. » C’était plus de soixante ans après Aigues-Mortes.

Au Brésil, les Calabrais remplacèrent les esclaves dès 1888 dans les plantations de café de São Paulo. À la même époque, d’autres originaires du Mezzo Giorno débarquaient à Marseille. Certains furent employés dans les salines d’Aigues-Mortes. En août 1893, le chômage faisait rage. Aiguisés par l’extrême droite, les ouvriers français lynchèrent entre huit et… 150 « Ritals ». Cela dépendait déjà des chiffres de la police. 

Dans la classe politique, les avis parfois convergeaient. Ces « bougnoules » étaient inassimilables. Trop catholiques, donc inféodés à Rome, ou trop anarchistes. 

Il est vrai qu’en passant par Léonard de Vinci, Giacometti, Zola, Apollinaire (né à Rome) ou les Mazarin, Giacometti, Lino Ventura, Uderzo, Montand, Cavanna, Reggiani, Mastroianni ou encore Platini et autres Nino Ferrer… ces fils des légions romains n’ont jamais su s’intégrer.

In bocca al lupo

Il bue che dice

« Cornuto all’asino »

Qu’on pourrait se traduire par : l’hôpital qui se fout de la charité.

En Europe, les pays dits latins ont fait preuve de la plus grande discipline. Contrairement aux États de l’Europe du Nord, radins, par ailleurs, de leurs deniers.

Quoi qu’il en soit, Rome est redevenue récemment ville ouverte, la basilique Saint-Pierre accueille des fidèles presque confinés. Récipiendaire, en 2012, du David di Donatello, grand prix du cinéma italien, équivalent des oscars en mode péninsule, pour « Habemus Papam » de Nanni Moretti, Michel Piccoli a clos ses paupières pour l’Éternité. Lui qui fut le souverain pontife de… la Ville éternelle.

(Au prochain épisode, la légende de la pusillanimité guerrière des Italiens durant le Seconde Guerre mondiale.)

Bonus : 

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