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Avec accusé de déception
13 mai 2020

Le Sable de l’Aurore (George ou la rage d’écrire)

Sans savoir la langue française, elle a du style

Honoré de Balzac

Ce n’est pas pour faire mon malin, mais en ces temps de confinement, d’aucuns peuvent gamberger. Ainsi me suis-je aperçu que ma fille était une sorcière berrichonne. Comme le nazoréen-Narzaréen, elle est thaumaturge !

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Et comme un bonheur ne vient jamais seul,  je me rends compte que « j’exécute » Chopin depuis des décennies tout en étant rétif à la poésie de Musset. 

La sorcellerie introspective m’a rappelé que Sand, Amandine Lucile Aurore Dupin, baronne Dudevant (Paris 1804-Nohant, Indre 1876), est aussi le patronyme de ma mère traduit en français. La mare au Diable regorgeant de sable !

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Par surcroît, ma sorcière de fille est une excellente cavalière comme « la bonne dame de Nohant », adepte du pantalon. Nocturne écrivaine, affranchie des codes, fille d’un soldat de la Révolution passé à l’Empire et mort trop jeune, et d’une mère chanteuse à qui elle apprendra à lire, George Sand est républicaine : « Le peuple est le meilleur des amis. » Mais pas la foule… 

Proche du socialiste Pierre Leroux, promoteur de l’égalité des sexes, George, discordante d’avec Fourier, milite pour l’éducation des filles de paysans et développe de concert avec Victor Hugo et Eugène Sue l’avènement des poètes ouvriers. 

Actrice du Paris des révolutions de 1830 et 1848 au côté de Ledru-Rollin – elle rédige, seule, « le Bulletin de la République », du gouvernement provisoire » –, George fonde « la Cause du peuple », bien avant Sartre, tout en militant en faveur du suffrage universel. Pour les hommes seulement, les femmes ayant, selon elle, des droits sociaux à acquérir avant tout. 

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Rédactrice de « la Vraie République », meurtrie par l’absence de son père mort trop jeune, elle prophétise, contre Cabet et ses phalanstères étatsuniens, l’avènement du communisme d’ici un siècle. À savoir, pour cette héritière du domaine de Nohant, la prédominance des services publics et de la liberté, égalité et solidarité, à la place de cette fraternité, trop spiritualiste. 

Communiste, George ne conchie point la petite propriété mais voue aux gémonies les grandes fortunes : « Déjà faites, laissons-les s’épuiser d’elles-mêmes. »

« Excellente mère », dixit Balzac, « adorablement bonne », dixit une de ses petites-filles, Aurore, il sera reproché à George de ne point avoir pris le chemin de l’exil, à l’instar de son camarade Hugo. Pourtant, elle accueille moult opposants chez elle et multiplie les lettres à l’adresse de Badinguet pour leur alléger la vie. Liée à Napoléon Jérôme, républicain bien que frère de l’autre, elle milite toujours cette démocratie qui voit enfin son avènement le 4 septembre 1870, « sans effusion de sang ». 

Si ma fille est une sorcière, je fus bel et bien un gamin manipulé par la doxa marxisante. George Sand, anticommuneuse, vécut des manifestations devant son domaine aux cris « d’à bas les communistes ! ». 

Comme son ami Flaubert*, George est mal informée quant à la Commune : « Paris est fou. » Depuis sa rupture d’avec les ouvriers de 1848, qu’elle imagine blanquistes donc putschistes, elle qui vénérait Ropesbierre abhorre désormais, et à juste titre, la Terreur : « Méfions-nous des charniers ! »

Or, la Commune n’en a point achalandé.

Dans « le Petit Journal » du 8 avril 1871, le bonne dame de Nohant écrit : « Les rouges ! c’est encore un mot vide de sens. Il faut le prendre pour ce qu’il est : un drapeau d’insurrection ; mais dans les rangs de ce parti, il y a des hommes de mérite et de talent qui devraient être à sa tête et le contenir pour lui conserver l’avenir, car ce parti en a, n’en déplaise aux modérés, c’est même problablement celui qui en a le plus, puisqu’il se préocuppe de l’avenir avec passion, sans tenir compte du présent… »

Feministe stratégique, républicaine rouge, libertine joyeuse, mère aimante et écrivaine prolifitque, George Sand, qui a participé à fonder la littérature prolétarienne en hissant les « sans-dents » au grade de héros littéraires, mérite qu’on la relise.

Tout comme Michelle Perrot avec superbe  « George Sand à Nohant » paru au Seuil.

Quant à ma fille… elle me dit qu’elle n’est plus une sorcière, j’en doute !

 

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* Dans « les Temps modernes », en 1945, un certain Jean-Paul Sartre, grand spéciaiste de Flaubert, se permet cette réflexion : «  L’écrivain est en situation dans son époque : chaque parole a des retentissements. Chaque silence aussi. Je tiens Flaubert et Goncourt pour responsables de la répression qui suivit la Commune parce qu’ils n’ont pas écrit une ligne pour l’empêcher. Ce n’était pas leur affaire, dira-t-on. Mais le procès Calas, était-ce l’affaire de Voltaire ? »

 

Bonus :

George Sand à Nohant. Une maison d'artiste, Michelle Perrot, Sciences humaines - Seuil

" Il est difficile de parler de Nohant sans dire quelque chose qui ait rapport à ma vie présente ou passée ", écrivait George Sand. C'est par Nohant, par sa maison, que je l'ai rencontrée. À vrai dire, elle ne fut pas un modèle de ma jeunesse.

https://www.seuil.com

 

 

Sorcières

Qu'elles vendent des grimoires sur Etsy, postent des photos de leur autel orné de cristaux sur Instagram ou se rassemblent pour jeter des sorts à Donald Trump, les sorcières sont partout. Davantage encore que leurs aînées des années 1970, les féministes actuelles semblent hantées par cette figure.

https://editionsladecouverte.fr

 

 

 



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