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Avec accusé de déception

9 janvier 2021

Il y a cent ans, le Noël des “premiers communistes” (Un petit Tours et puis bolchevisation – IIe partie)

Sans élections générales, sans liberté de la presse et de réunion sans entraves […],

la vie de n’importe quelle institution publique cesse

Rosa Luxemburg

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Ce n’est pas pour faire mon malin, mais la prison de la Santé n’a jamais été un goulag. Pour preuve, incarcérés, Boris Souvarine et Fernand Loriot y ont télécommandé le congrès de Tours, lequel rattache une large partie de la « Vieille Maison » socialiste à l’Internationale communiste.

Dans la salle du Manège, à Tours, les redingotes sont plus nombreuses que les casquettes*. Exception faite des sections rurales de l’Allier, vétérans des tranchées. Dans « l’Œuvre », le journaliste Stéphane Valot écrit : «  Qui l’eût cru ? C’est le paysan qui est bolcheviste en France. » (Et sera, sous l’Occupation, le ferment de la Petite Sibérie de Georges Guingois.)

Du côté des « néophytes », on se méfie des caciques comme Ludovic-Oscar Frossard, qui sera pourtant secrétaire général du futur PCF jusqu’en 1924, malgré sa méfiance quant aux « 21 Conditions de Lénine » – au IIe congrès, il quittera son poste car refusant de renier sa « foi » franc-maçonne, proscrite par Lénine. Frossard a rencontré ce dernier avec Cachin à Moscou. Sa crainte de l’invasion de la Pologne par l’armée Rouge scelle son ralliement au bolchevisme… Quant à Marcel Cachin, ces mêmes « néophytes » ne lui pardonnent pas d’avoir été un porteur de valises de cash dans cette Italie qui hésitait à entrer en guerre au côté des alliés en 1915.

De fait, le Franco-Russe Boris Souvarine, intime de Trotski, le typographe Pierre Monatte et Alfred Rosmer, indéfectible proche du chef de l’armée Rouge, deviennent les vrais patrons de la Section française de l’Internationale communiste fondée sur des compromis.

Piètre orateur mais trapu affable bien qu’hystérique dans la rhétorique, Lénine séduit par sa simplicité. Trotski est grand, beau parleur, léniniste intransigeant bien qu’ancien antibolchevique. Le futur PC est à peine né que la terrible année 1921 s’annonce.

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« Mort aux bourgeois ! » Marins de Kronstadt sur le cuirassé Petropavlovsk en été 1917.

En mars, le noble propriétaire terrien Trotski joue aux versaillais en assassinant la commune des marins démocrates de Kronstadt qui ont fait la révolution d’Octobre, histoire de fêter celle de Paris, le Parti communiste russe interdit les dissidences en son sein tandis que Lénine avec sa NEP, nouvelle économie politique, relance une manière de capitalisme pour pallier les échecs de la collectivisation.

Or, on peut convoquer le marxiste Charles Rappoport au rapport : ce proche de Souvarine savait les exactions bolcheviques du « coup d’État à froid » de Lénine dès le 14 novembre 1917. « C’est le Louis XIV de la révolution : la Révolution, c’est moi, c’est mon parti… Son programme est la dictature du prolétariat, avec son parti comme dictateur. » Trois jours plus tard, dans le journal libertaire de Sébastien Faure, le futur bolcheviste Boris Souvarine prophétise : « Il est à craindre que, pour Lénine et ses amis, la “dictature du prolétariat” doive être la dictature des bolcheviki et de leur chef. Ce pourrait être un malheur pour la classe ouvrière russe et, par la suite, pour le prolétariat mondial. » Tout est dit… et pourtant, Souvarine voit alors les thuriféraires d’Oulianov comme les seuls qui peuvent imposer la paix au monde, à commencer par l’Allemagne qui a fait rapatrier, depuis la Suisse, Lénine dans un wagon plombé.

Le déni de la réalité est une question à prendre en compte en histoire.

Russophone, Souvarine a l’appui de l’Internationale de Zinoviev. Laquelle fournira bientôt des subsides, de l’or et des bijoux volés par la Tcheka aux « bourgeois dégénérés ». Ensuite, les dollars américains inonderont le Parti. Dans « la Révolution manquée », le gauchiste Jean-Jacques Soudeille, devenu la voix de Radio Brazzaville, nous rappellera comment la manne de Moscou a corrompu les esprits, à commencer par celui de Louis Aragon.

Pour faire simple, après la mort de Lénine, en 1924, les choses se compliquent. Trotski se retrouve face à la Troïka : Zinoviev, Kamenev et Boukharine. Ils font officiellement figure de vieille garde bolchevique. Quant au fameux testament de Lénine, incriminant notamment le « brutal » Staline, il fournira une vraie pomme de discorde… Souvarine et d’autres sont partisans de sa publication, y compris dans la presse dite bourgeoise. Trotski s’y oppose, nie l’existence d’un tel texte. Plus tard, il en demandera la parution. En substance, Staline lui rétorquera : comment veux-tu dévoiler un testament à propos duquel tu as affirmé que c’était un faux ?

Frossard se méfie de ses « amis » russes, Souvarine, Rosmer et Monatte soutiennent le « bientôt traître » Trotski. Le capitaine Albert Treint et Suzanne Girault défendent la bolchevisation du Parti. En dépit de quelques succès, Souvarine est lâché par Moscou et aura cette paraphrase digne de « Hamlet » :

« Il y a quelque chose de pourri dans le Parti et l’Internationale. »

Le PC se russifie, le marxisme-léninisme devient une science exacte, les Jeunesses communistes de Jacques Doriot (futur nazi) le radicalisent, anarchistes et bolchevistes s’affrontent à coups de revolver à la Grange-aux-Belles en 1924, l’Internationale syndicale rouge phagocyte la CGT, devenue CGTU (« u » comme unifiée) – le cheminot Pierre Semard, bien que dubitatif envers l’ISR, succédera à Frossard. Boris Souvarine, Alfred Rosmer, Pierre Monatte, Amédée Dunois et Maurice Paz sont exclus ou poussés vers la porte. Comme tant d’autres, ils rejoindront les cercles oppositionnels, dont le Cercle communiste démocratique, que fréquentera la philosophe Simone Weil. Treint et Girault suivront !

La vieille garde plurielle a fait son temps en 1924. Rien ne sera plus comme avant, la voie est toute tracée pour le fin renard surnommé Staline, qui saura appliquer le centralisme démocratique. D’autant plus, que bien des jeunes communistes ont été formatés par une éducation religieuse et la discipline militaire, dans les tranchées.

On a enfin purgé bébé PC.

Pouvait-il en être autrement ? Le parti dans sa diversité féconde n’était-il pas un anachronisme ? Souffrez que nous citions la très controversée Annie Kriegel : « Depuis 1905, malgré les apparences, c’est le courant patriotique qui a grossi le plus vite dans la classe ouvrière française. » Et même internationale**… 

Après la Seconde Guerre mondiale, le quotidien stalinien « l’Humanité » taxe Léon Blum de « petit juif peureux ». Sympa après la Shoah ! Au congrès de Tours, il avait néanmoins prophétisé : « Nous vous disons que votre dictature n’est plus une dictature temporaire. […] Elle est un système de gouvernement stable. […] C’est, dans votre pensée, un système de gouvernement créé une fois pour toutes. […] Vous concevez le terrorisme, non pas seulement comme le recours de dernière heure, non pas comme l’extrême mesure de salut public… mais un moyen de gouvernement. »

 

* En 1921, le futur PC compte 109 200 adhérents ; en 1947, 540 000 ; en, 1956, après l’invasion de Budapest, moins de 200 000 ; en 1978, Programme commun oblige, 506 500 ; en 2018… 49 200 ! En 1956, les encartés sont à 58,8 % des ouvriers ; en 2010, 7,6 % seulement. De nos jours, le PCF est à 45,2% un parti de cadres, d’ingénieurs et de techniciens. Et 13% d’enseignants pour 21% d’employés. Le Parti comptait 10% d’agriculteurs l’année de Budapest, 1% en 2003. Les paysans disparaissent des radars au congrès de 2010…

** Pour amadouer les Alliés, Staline dissout l’Internationale communiste en 1943.

 

 

À lire, entre autres :

« Histoire intérieure du Parti communiste », de Philippe Robrieux, Fayard, 1980.

"Histoire intérieure du parti communiste", Philippe Robrieux

Déjà, les trois premiers volumes de l'Histoire Intérieure du Parti communiste de Philippe Robrieux ont été reconnus comme une source peu commune sur soixante ans de vie politique française et internationale.

https://www.fayard.fr

 

« Boris Souvarine, le premier désenchanté du communisme », de Jean-Louis Panné, Robert Laffont, 1993.

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• « La Révolution manquée, l’imposture stalinienne », de Jean Perdu (Jean-Jacques Soudeille), Éditions Sulliver, 1997.

 

Révolution manquée, l'imposture stalinienne - Jean-Jacques Soudeille - Sulliver

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31 décembre 2020

Il y a cent ans, le Noël des “premiers communistes” (Les “nés de la guerre” – 1re partie)

La trahison n’est qu’une question de date

Talleyrand

Ce n’est pas pour faire mon malin, mais le spectre du communisme-léninisme a hanté et bousculé le XXe siècle. Or, « notre » premier Parti communiste est né à Tours et à Noël il y a cent ans. Pourquoi y revenir compte tenu que le PCF ne représente plus que 2,49 % des voix aux dernières européennes et que, « bilan globalement positif », il continue quand même à administrer 54 villes de plus de 10 000 habitants ?

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Peut-être parce que la Section française de l’Internationale communiste, devenue Parti communiste en 1922, trois ans après la fondation du Kominterm, a encouragé le sport et la culture chez nous. L’ex-trotskisant Maurice Thorez ne lisait-il pas César en latin, Héraclite en russe, Spinoza, Montaigne ou Diderot ?

Peut-être parce que l’on doit au PCF la réduction du temps de travail, le vote des femmes (merci monsieur Grenier), la Sécurité sociale (Ambroise Croizat), la nationalisation du gaz et de l’électricité (Marcel Paul) et autres « réformettes ». 

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Peut-être parce que l’histoire du « premier Parti communiste » est singulière. Ses protagonistes sont largement oubliés. Qui se souvient de Boris Souvarine (pseudonyme emprunté à « Germinal »), d’Alfred Rosmer, compagnon indéfectible de Trotski, du libertaire Amédée Dunois, de l’instituteur Fernand Loriot, de Pierre Monatte (l’ex-anarchiste devenu le Lénine français et patron de « la Vie ouvrière »), du capitaine Albert Treint, de Suzanne Girault ?

Peut-être se souvient-on d’un parti « moscoutaire » torturé par un centralisme qui n’avait rien de démocratique. 

Or, le premier Parti communiste est antipatriotique – opposé à l’annexion de l’Alsace-Lorraine sans référendum d’autodétermination –, antimilitariste – bien des bolchevistes ont vécu l’horreur des tranchées –, anticolonialiste – le futur Hồ Chí Minh sera candidat dans le 13e arrondissement de Paris, le PC luttera contre la guerre du Rif, récupérant au passage le mouvement surréaliste –, protoféministe, qui envoie des députées à l’époque où les femmes n’ont pas encore le droit de vote. 

Au congrès de Tours, la SFIO, section française de l’Internationale ouvrière, la « Vieille Maison », perd : 70 % pour l’adhésion à l’Internationale communiste, contre 30 %. Léon Blum est inaudible, Jean Longuet, très populaire mais défensiste et reconstructeur, petit-fils d’un certain Karl Marx, ne rencontre guère d’écho.

Familier de Paris, Léon Trotski avait prophétisé ceci : « Le futur Parti communiste en France doit être  construit par l’alliance des syndicalistes révolutionnaires, “communistes comme Monatte, Rosmer et autres” et des communistes du Parti socialiste, comme Loriot ? »

Petit retour en arrière : la gauche révolutionnariste de la Belle Époque est divisée bien qu’œcuménique, surtout à l’issue de l’affaire Dreyfus. Après les défaites de 1909, les syndicalistes révolutionnaires de la CGT marquent le pas devant les parlementaires de la SFIO. Jaurès et Longuet rassemblent au 9 de la rue Cadet, dans la salle du Grand Orient de France, cette gauche plurielle. 

Cependant, l’heure est déjà aux trahisons. Ami de Louise Michel, Georges Clemenceau fait tirer sur les ouvriers en 1905. La journée de travail est de douze heures, la justice s’affiche de classe – Jules Durand, docker charbonnier du Havre, est condamné à mort pour un crime qu’il n’a pas commis, qu’importe il finira fou à l’asile. 

Puis, les Balkans basculent. Au congrès de Paris, en juillet 1914, Jaurès, de justesse, fait voter l’idée d’une « grève générale ouvrière simultanée et organisée dans les pays intéressées ». Côté français, on doute de l’internationalisme allemand au cas où… Tout le monde n’est pas Karl ni Rosa.

On connaît la suite, Jaurès est assassiné par Raoul Villain, qui portait bien son nom et sera acquitté en 1919. Le patron de « l’Humanité » succombe sous les yeux de Dunois et Longuet. 

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On connaît malheureusement la suite : l’Union sacrée, Jules Guesde, le marxiste historique qui devient ministre d’État, Marcel Sembat, qui entre aussi au gouvernement, le carnet B qui fait plouf, Gustave Hervé de la «  Guerre sociale » qui appelle à la mobilisation après avoir demandé aux pioupious de flinguer leurs officiers. Quant à l’ancien anarchiste Charles Péguy… Une débâcle morale qui se soldera par 1,4 million de morts en France, des milliers de « gueules cassées », une nation ruinée, une révolution allemande réprimée par une partie de la gauche, la grippe espagnole…

Le futur PC est enfant de Zimmerwald, en Suisse, où a lieu la première réunion des internationalistes dès 1914. Sans la Grande Boucherie, pas de révolution de février 1917, qui a débouché sur le pays le plus libre du monde, et pas de putsch léniniste en octobre.

Auteur de « l’État et la Révolution », Vladimir Illich a entendu rallier les divers courants libertaires du monde entier afin de régénérer le socialisme. 

Au Brésil, par exemple, on nomme les léninistes « maximalistes », considérés comme des anarchistes organisés !

Joueur d’échecs, monsieur Oulianov voit la révolution bolchevique comme un prologue à la déferlante mondiale. Après la Russie, la Pologne, l’Allemagne… la Hongrie. Bientôt la France ?

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Octobre a vengé la Commune de Paris, au grand étonnement de Lénine lui-même, sa révolution a tenu plus de soixante-douze jours. De son train blindé, Trotski, avant de trahir les cosaques noirs de l’anarcho-communiste Nestor Makhno qui vont briser les reins des armées blanches, est en passe de gagner la guerre civile.

À l’Est, tout est nouveau. C’est dans ce contexte chaotique que va naître le premier Parti communiste de France…

(La suite au prochain numéro…)

2 décembre 2020

Éloge de l’infidélité (Tribute to Maurice Goldring)

Étudie, non pas pour savoir plus, mais pour savoir mieux

Sénèque

Ce n’est pas pour faire mon malin, mais nous avons tous eu des professeurs qui nous ont sortis de l’ornière. Parmi eux, j’eus la chance de croiser le fer mais aussi la bienveillance de Maurice Goldring. Il nous a quittés le 30 octobre dernier à l’âge de 87 ans. Mort à Biarritz, dont il dérangeait la tranquillité politicienne, luttant sans détours contre les cryptopartisans de l’ETA, organisation relevant plus du banditisme que de la politique. 

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Maurice Goldring fut mon prof de civilisation britannique et d’histoire de l’Irlande.

Avant, il avait brillé dans de nombreux lycées parisiens, dont Saint-Louis, comme enseignant d’anglais.

J’avais lu ses éditos dans « France nouvelle », hebdo du PCF (1943, à Alger – 1979 en région parisienne). Je retiendrai toujours cette phrase :

« Quand on adhère à un mouvement, on doit en assumer toute l’histoire. »

Ancien membre des instances nationales du PCF (de 1950 à 1981), il apparut sur le plateau d’« Apostrophes » pour présenter l’ouvrage collectif « Sous le marteau la plume » avec Yvonne Guillès. Il fit partie du wagon des « hors du parti » avec Henri Fiszbin, élu parisien, et mon cher Michel Cardoze au début des années 1980. Merci Georges Marchais.

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Entre-temps, Maurice Goldring s’était échappé de cet univers nauséabond en allant professer aux States, expérience dont il tira « Survivre à New York ». 

Éloge de l’infidélité ? Anthropologue de la Goutte-d’Or, il avait les mains dans le cambouis. Ainsi passa-t-il du PC au PS en transitant par « Rencontres communistes » avant de rejoindre les macronistes, but nobody is perfect. Il a pourtant écrit cette belle phrase :

« Je n’aime pas qu’on veuille rendre le malheur héréditaire. »

À Paris-VIII, je m’étais un peu fait allumer par monsieur Goldring après une rédaction dans le cadre de son UV comparant le révérend Ian Paisley, le leader fondamentaliste protestant nord-irlandais qui reconnaissait les catholiques à leur odeur et leurs oreilles, à Jean-Marie Le Pen, qu’on ne présente plus mais qui déteste les nez crochus et les doigts itou. J’avais eu l’outrecuidance de rappeler que le populisme d’un PCF détruisant à Vitry-sur-Seine et à coups de bulldozer un foyer Sonacotra, en décembre 1980 – geste aujourd’hui salué par « Valeurs actuelles » ! –, avait ouvert la voie au néofascisme nostalgique de l’OAS. Malgré son désaccord, j’obtins une bonne note. 

Maurice Goldring m’apprit la tolérance, le respect, la nuance.

À la même époque et université, l’historien brésilien Felipe de Alencastro, spécialiste de la question noire et des relations avec l’Angola, me vaccinait contre le tiers-mondisme : les patrons de São Paulo vivent mieux que leurs homologues du CAC 40.

Pour ce modeste post, je relus « Démocratie, croissance zéro », publié en 1978. Il porte sur la Trilatérale, organisme oublié qui, dès 1973, regroupa des gentlemen comme Jimmy Carter, futur président, David Rockefeller, Gioanavi Agnelli de Fiat, Raymond Barre, bientôt Premier ministre, Edmond de Rothschild, président de la Compagnie financière Holding… 

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Bilan de leurs travaux, en 1975, et surpervisé par Michel Crozier, Samuel Huntington, Joji Watanuki : « Il y a des limites potentielles souhaitables à l’extension de la démocratie. » Laquelle rend tout gouvernement impossible. Mis à part « le Monde diplomatique » de Claude Julien et « France nouvelle », la presse française demeura bien silencieuse quant au contenu sensationnel de « Crisis of Democracy ».

Or, dans la France giscardienne, Maurice Goldring défendit toujours le pluralisme de la presse, qui avait du plomb dans l’aile : « Distinguer le fait du commentaire, comme le demande Giscard d’Estaing, est une aberration. Le fait est toujours un fait “choisi”, et ce choix est déjà un commentaire. »

Bouleversé par le martyre de Bobby Sands, je voyais, échevelé et écervelé, l’IRA comme une branche progressiste quasi tiers-mondiste : « Beaucoup d’Irlandais ont combattu au côté de Franco, en Espagne, car ils étaient catholiques. » Punaise, un coup dans mes convictions ! À Derry, en 1972, le député qui a vécu le Bloody Sunday était protestant et non catholique. En démocratie, même imparfaite, la violence terroriste est inacceptable. Il est aussi des prolos des deux confessions. L’IRA a brisé un élan d’émancipation inspiré des « civil rights » pacifiques afro-américains. 

Souvent interpellé lors de ses cours par des anars défendant l’IRA et sa branche politique, le Sinn Féin, Maurice Goldring demeurait marmoréen. Pourquoi les couples mixtes catholiques-protestants sont-ils possibles en Angleterre et non en Irlande du Nord ? Pourquoi quand on joue au foot ou au rugby dans la même équipe, catholiques et protestants ne peuvent-ils pas prendre une pinte dans le même pub après le match ?

Je le revois roulant sa cigarette avant d’avaler, claudiquant, un énième café entre deux cours, rêvant de chocolat, d’une soirée entre amis devant un bon film et envisageant d’étudier la question belge, Wallons contre Flamands. 

Né à Lille, Maurice Goldring, juif athée et espiègle, fréquentait parfois les pubs d’Irlande du Nord, reconnaissance du terrain oblige. Un soir, il se fit questionner par un compagnon de comptoir : « D’accord, tu es athée, mais athée protestant ou athée catholique ? »

So God bless you, Mister Goldring…

 

Bourvil, « Bonjour le maître d’école »

1964, Bourvil chante "Bonjour le maître d'école"

Plus d'une semaine après l'assassinat de Samuel Paty par un terroriste islamiste, l'émotion est forte en France et plus particulièrement dans le milieu enseignant. Le professeur, le maître d'école, une profession au coeur de la vie du pays à laquelle rendait hommage Bourvil, en 1964.

https://www.ina.fr



3 novembre 2020

La guerre de Sécession n’a pas cessé (“Vous avez voulu la liberté, vous allez la payer cher”)

If an officer stops you

Promise me you’ll always be polite

Bruce Springsteen (“41 Shots”)

 Ce n’est pas pour faire mon malin, mais, naguère abonné à « Newsweek », j’étais tombé sur un article sidérant qui, en pleine Guerre froide, nous informait qu’il y avait plus d’Étatsuniens en prison que zeks dans les camps soviétiques. Précision, au pays du républicain abolitionniste mais ségrégationniste Lincoln, ils étaient majoritairement noirs ou hispanos… Et ils le sont toujours. Mieux, les États-Unis recèleraient un quart de la population carcérale mondiale. Les quelque 12% d’Afro-descendants figurent parmi 80% de cette « nation ». Sans omettre qu’il y a plus de 130000 pénitenciers privés, qui génèrent de forts revenus puisque le travail y est obligatoire sous peine de privations. Il faut bien cantiner… 

Enfin, tous ces descendants d’esclaves n’ont pas eu l’heur de passer par la case prison… dans ce pays béni par Dieu qui compte quelque 400 bavures meurtrières et néanmoins policières par an. 

Il faut admettre que la démocratie a parfois ses limites. Il est environ 100 polices différentes aux États-Unis (800000 flics pour une population de 328 millions), élues, ainsi que les magistrats. Imaginons les flics du Var mandatés par le Rassemblement national et lui obéissant. Le carnage ! (Sans compter que l’impunité policière est de mise aux States.)

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En 1963, le « Bombingham », le KKK, sous la bénédiction du condé en chef Bull Connors, dynamite des maisons habitées par des Noirs, vingt ans plus tôt, la police raciste de Detroit tire à balles réelles. En 1919, les vétérans noirs refusent de rendre leurs armes pour échapper aux pogroms. En 1954, les écoles deviennent enfin mixtes. Mais il faut envoyer le 101e parachutiste pour protéger les écoliers de Little Rock, Arkansas. Dix ans plus tard, la ségrégation est enfin abolie. Il y eut la Marche sur Washington en août 1963 (« I have a dream »). Deux ans plus tard, celles de Selma sont réprimées à coups de matraque contre ceux qui osent revendiquer le droit de vote, dont le futur représentant John Lewis, auquel Trump n’a pas daigné rendre hommage l’été dernier. Après le boycott dirigé par Rosa Parks, Martin Luther King est arrêté 14 fois avec la peur au ventre d’être flingué en taule, il périra le 4 avril 1968, assassiné par une officine d’État. Les relativement pacifistes Black Panthers sont traqués par le FBI de Hoover, qui les infiltre. La communiste et iconique Angela Davis est emprisonnée et frôle la mort. Malcom X, n’en parlons même pas…

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Les émeutes de Watts en 1965 sont finalement calmées par la guerre contre la drogue promulguée par Richard Nixon. Étouffons les « riots » avec l’arrivée massive de came. 

Aux Jeux de Mexico, les athlètes Tommy Smith et John Carlos dressent leurs poings noirs gantés.

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La vidéo arrive : en 1992, Rodney King est tabassé, ses bourreaux sont acquittés, malgré les trente meurtres d’émeutiers. 

En février 1999, un frère guinéen rentrant chez lui dégaine son portefeuille : 41 coups de feu. Étant déjà élu président des États-Unis, Barack Obama se voit confisquer ses clés de voitures quand il se rend dans un hôtel… Il faut dire que ce « Kenyan » rend allergique le Tea Party. Ad libitum, on pourrait tirer du chapeau d’innombrables bavures, jusqu’à celles de George Floyd, de Jacob Blake, John Henry, ou Trevor Martin, 12 ans, abattu par un vigile. Sans évoquer les émeutes suprémacistes de Charlottesville, en 2017. Et la possible vice-présidente Kamala Harris n’y changera rien. Selon l’historienne François Coste, chez certains Étatsuniens, « la haine [des Noirs] est de tous les instants »,

la Guerre de Sécession n’a jamais cessé.

Faut dire qu’elle a fait 700 000 morts, le pire des conflits infligés au pays. Au terme de cette guerre fratricide demeurent quatre millions d’esclaves, lesquels ont contribué en ralliant les fédérés à la victoire du Nord, en 1865. Mais pas celles des Afro-descendants qui, non indemnisés, ont tout de même reçu des lopins de terre et une mule… En 1877, les troupes d’occupation nordistes quittent un Sud paupérisé. Ralliés aux planteurs, les « rednecks » signifient aux Afro-descendants : « Vous avez voulu la liberté, vous allez la payer cher. » Une haine cuite et recuite. « Segregation for ever », clamera le gouverneur Wallace en 1963. Il est vrai que la ségrégation est inscrite dans la Bible… paraît-il…

Les Africains-Américains ne deviennent citoyens états-uniens que cinq ans après leur libération et sont souvent assassinés en se rendant au bureau de vote. Le KKK, cher au cinéaste D.W. Griffith, fait régner le terrorisme domestique. Les Noirs se voient louer des terres à prix exorbitants.

Henry Ford, le père spirituel en antisémitisme d’un certain Adolf Hitler, refuse d’embaucher de Afro-descendants dans ses usines jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. Auparavant, 5000 lynchages dans le « galant South » ont été annoncés dans les journaux, on imprimait même de jolies cartes postales de ces « strange fruits ». Aucun Africain-Américain ne pourra être officier durant « la Grande Guerre ». Les mariages mixtes seront proscrits jusque dans les années 1960.

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La dernière victime officielle du Klan est Michael Douglas, retrouvé pendu à un arbre, en 1981. Le KKK s’est estompé, vite remplacé par le Parti nazi et maintenant les « Proud Boys ». 

La haine de tous les instants est d’autant plus forte que le Sud a plongé économiquement après la « civil war » (c’est là que la Covid a récemment fait le plus de morts). Paupérisé, il s’est un peu relevé grâce à des programmes comme la Nasa. À noter que seul l’Arkansas de Clinton a voté démocrate.

Sur Arte, il y a quelques années, j’ai assisté à un documentaire hallucinant : des policiers new-yorkais noirs et arborant des dreadlocks enseignaient aux jeunes un brin délinquants comment ne pas se faire tuer lors d’un contrôle.

Yes, black lives matter, il est temps de vivre sans peur au quotidien, de pouvoir arroser sa pelouse sans se faire tirer dans le dos par des flics racistes. Et de survivre plus de huit minutes et six secondes à une interpellation policière. Sa liberté, George Floyd l’a payée cher : 20 dollars…

« You must understand the rules. »

Perso, j’ai envie de prendre l’air pour respirer un peu…

 

Bonus

 

 

 

17 octobre 2020

Endettés, endeuillés, en détresse (Bullshit jobs– Second part)

Il y eut un chevalier au Moyen Âge qui avait un serviteur

juste pour lui épiler la moustache

David Graeber (1961-2020)

 Ce n’est pas pour faire mon malin, mais la parole sacrée, la hiérarchie, m’insupporte en vieillissant. Et le monde du travail, dont je suis éloigné journalistiquement, encore plus. Un univers de « larbins, de porte-flingue, de rafistoleurs, de cocheurs de cases dans des tableaux Excel que personne ne lit », de poucaves à qui on n’aurait jamais donné l’adresse de Jean Moulin, de business managers qui viennent au taff deux jours par mois, d’éditeurs qui ne lisent pas ce qu’ils publient, de directeurs des rédactions qui se gobergent tout en refusant la moindre augmentation aux travailleurs productifs.

Quant aux standardistes multilingues, qu’elles se les pèlent dans les courants d’air. On ne va pas s’apitoyer sur des bonniches érudites…

C’est sans compter sur l’effet David Dunning-Justin Kruger, théorisé à la fin des années 1990. Ah ! l’ultracrépidarianisme ! De l’art de parler de ce qu’on ne connaît pas. De la tchatche teintée d’obséquiosité supplantant la vraie compétence. Quand la rhétorique masque le talent. 

Médiocres de tous les services, unissez-vous !

Enfin, vous n’êtes pas du genre à partager votre brosse… à reluire !

« Dans certaines formes de gouvernance, écrit David Graeber, qui nous a donc quittés le 2 septembre dernier, l’inefficacité peut être efficace. […] Par bien des aspects, le système où nous vivons relève moins du capitalisme que d’une forme de féodalité managériale. Depuis les “trente glorieuses”, les salaires ont décroché par rapport aux profits. […] Il y a une relation inverse entre le montant du salaire et l’utilité du boulot. »

Par ailleurs, on observe souvent qu’il y a plus de chefs que de producteurs, les premiers méconnaissant souvent les métiers des seconds !

Toutefois, je ne saurais être tout à fait d’accord avec feu notre ami anthropologue et économiste quand il écrit ceci : « La pratique et le pouvoir des directeurs dépendent largement du nombre de salariés qu’ils ont sous leurs ordres. » Ça se discute vu l’écrémage dans les grandes entreprises. Mais vive l’ubérisation et les autoentrepreneurs, qui vont se débrouiller avec leur retraite ou leur Sécu…

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En 2018, l’essai « Bullshit Jobs » de David Graeber a obtenu un fort écho. Les boulots à la con ! Selon ce disciple de Marshall Sahlins, ils représenteraient un pourcentage non négligeable dans les grandes entreprises. Les producteurs déclineraient au profit des parasites bureaucratiques, des secrétaires généraux de badges destinés à réglementer des parkings vides, des inventeurs de logiciels aussi onéreux qu’inutiles – mais que pouvons-nous contre l’informatique souvent mère de bien des corruptions ?

Il convient avant tout de se la jouer débordé pour mieux dissimuler sa servilité. 

Le tout sous le diktat de la théorie du ruissellement : « On donne de l’agent aux riches en leur disant : tenez, allez créer des emplois. […] »

En attendant les « bullshit jobs victims » mais aussi les autres passent du « brown-out » (coupure de courant), au « bore-out » (l’ennui absolu) pour conclure sur un « burn-out » – traduire cette expression semble inutile. 

« Plus vous êtes riches, moins vous êtes capables de comprendre les autres. […] La forme ultime de violence sociale, c’est quand seuls les riches peuvent se permettre d’avoir un travail gratifiant. » 

Et David Graeber de nous avoir rappelé que « produire signifie étymologiquement pousser dehors ».

Avec une pensée pour sa veuve, Nika Dubrovsky.

 

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À lire 

Bullshit jobs - David Graeber - Les Liens Qui Liberent - Poche - Librairie Gallimard PARIS

Considéré comme l'un des penseurs les plus importants de ce début de siècle, David Graeber revient après cinq ans d'enquête pour analyser la notion de Bullshit job ou " Jobs à la con ", née sous sa plume et qui a fait le tour du monde.

https://www.librairie-gallimard.com

 

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5 octobre 2020

Endettés, endeuillés, en détresse (Occupy Neurone Street – First part)

Les marchés ne sont pas réels.

Ce sont des modèles mathématiques

David Graeber (1961-2020)

 Ce n’est pas pour faire mon malin, mais il est des mythes infondés qui confinent à l’infox. Au XVIIIe siècle, Adam Smith, disciple de John Locke (1632-1704), co-invente la légende des sociétés de troc pour asseoir l’idéologie capitaliste déjà triomphante. Les communautés humaines seraient passées de l’échange matériel à la monnaie, puis de l’argent au mercantilisme et on connaît la suite. L’homme a comme « penchant naturel à trafiquer ». Partant, la monnaie ne serait être une création de l’État, lequel, selon Locke, a pour vocation de protéger la propriété privée et excelle quand il se limite à cette noble tâche.

Or, sans État, pas de monnaie. Les sociétés dites premières ont préféré le don, le potlatch, au troc, phénomène très marginal.

Au début du XVIe siècle, par exemple, les Amérindiens du littoral brésilien échangent effectivement avec les Portugais ou les Français des outils en métal et des hameçons itou, mais ce n’est pas pour accumuler mais afin d’œuvrer plus vite et de partir aussitôt en RTT. À quoi sert l’argent quand on vit immergé dans une nature abondante ?

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Chercheur à Madagascar, David Graeber nous apprend que le colonialisme français a eu comme première mesure de faire payer aux « indigènes » le coût de leur conquête via l’impôt. Ça, c’est du vrai troc !

Dans les premières sociétés agraires, le système de crédit précède l’invention des pièces de monnaie. Avec les intracités étatiques voire impériales, les lingots d’or se multiplient, il est plus aisé de piller le métal précieux que les champs de blé…

Auteur de « Debt : the five thousands years », l’économiste et anthropologue David Graeber en a vendu 100 000 exemplaires aux États-Unis en 2013, crise des subprimes aidant.

David nous a quittés le 2 septembre dernier, à l’âge de seulement 59 ans. Il était un des intellectuels les plus en vue de sa génération. Mort à Venise…

Dans son best-seller, cet historien du monde nous explique comment l’endettement est une « construction sociale fondatrice du pouvoir », axée sur la violence, la guerre, l’esclavage… et la morale juridico-religieuse : le débiteur est un pécheur, le créancier, un quasi-philanthrope.

Grand lecteur du philosophe allemand Karl Jaspers, Graeber approfondit la question du monnayage mise en relation avec ce que le premier a qualifié d’Âge axial (800 av. J.-C.–600 apr. J.-C.). Des maîtres aussi fascinants que Pythagore (570-495 av. J.-C) Bouddha (563-483 av. J.-C.) ou encore Confucius (551-479 av. J.-C.) sont contemporains, sans se connaître évidemment. Ils sont aussi le produit d’une civilisation urbaine émergente qui se questionne. Une prémondialisation intellectuelle qui ne s’est pas concertée. 

Comme l’écrit Jaspers, « aucune idée vraiment nouvelle n’a été introduite depuis ». Ils étaient contemporains de l’invention de la monnaie ! Une abstraction où philosophie rejoint économie. 

Lisons ou relisons les pages de Graeber sur les conflits entre les  diverses églises (bouddhistes y compris) et les États séculaires, inquiets des « détournements » de métaux précieux par les ecclésiastiques de tout poil. Sur l’empire du Milieu, qui aimante les galions espagnols regorgeant d’argent américain. Et ce à partir de 1540, quand un « excédent d’argent provoque un effondrement des prix dans toute l’Europe ». 

Le lecteur ne sera pas étonné de découvrir en Graeber un disciple du père de l’anthropologie, Marcel Mauss (1872-1950). Lequel a notamment écrit une formidable critique de la Révolution bolchevique et son rapport persistant avec la monnaie. David a aussi dévoré l’œuvre de Marshall Sahlins, son directeur de thèse, à qui l’on doit « la Nature humaine, une illusion occidentale ». Il n’a pas non plus été insensible aux écrits de Pierre Clastres (1934-1977), dont « « la Société contre l’État », où est traitée la défiance des nations tupi-guarani envers les chefferies.

En résumé, « l’histoire des origines du capitalisme [tient] de l’histoire de la conversion d’une économie du crédit en économie de l’intérêt ; de la transformation graduelle de réseaux moraux par l’intrusion du pouvoir impersonnel de l’État ». La nature humaine apparaît selon les libéraux comme intrinsèquement compétitive. La coopération observée dans les communautés traditionnelles relève de la méprise. Bellum omnium contra omnes, foutaise !

Auparavant, en 2007, sous la pression de l’administration du gentil Barack Obama, son contrat à Yale n’ne fut pas renouvelé. Il dut s’exiler en Angleterre, où il enseigna notamment à la London School of Economics. Avant de revenir par la fenêtre… David Graeber ne passa, en effet, pas sa trop courte vie dans l’érudition livresque. Il étudia, sur place, en 2014, les organisations du Kurdistan syrien (Kurdish Freedom Movement). 

Notre camarade n’était pas né hors sol : son père était un typo (offset) ayant combattu dans les Brigades internationales, et sa mère, une artiste se produisant dans les comédies musicales new-yorkaises (voir « Pins & Needles ») à la tête des International Ladies’ Garment Workers Union. 

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Membre des Industrial Workers of the World (IWW), le syndicat libertaire des wobblies, anarcho-communistes, il fut, en septembre 2011, un des initiateurs du mouvement Occupy Wall Street, à New York, où fleurit son fameux « motto » : « nous sommes les 99% ».  Sept ans plus tard, il écrivit un autre best-seller, « Bullshit Jobs », les boulots à la con. Il en sera question dans le prochain épisode… 

 

« Dette, cinq mille ans d’histoire »,  David Graeber, Les liens qui libèrent, septembre 2013.

 

Editions Les Liens qui Libèrent

Voici un livre capital, best-seller aux États-Unis - plus de 100 000 exemplaires vendus - et en Grande-Bretagne, commis par l'un des intellectuels les plus influents selon le New York Times et initiateur d'Occupy Wall Street à New York. Un livre qui, remettant en perspective l'histoire de la dette depuis 5 000 ans, renverse magistralement les théories admises.

http://www.editionslesliensquiliberent.fr

 

 

14 septembre 2020

Gentleman Mendy (Le “Diamant” n’était pas éternel)

“Mais il sait comme consolation

Son manager a d’autres champions”

“Battling Joe”, chanté par Yves Montand

 

Ce n’est pas pour faire mon malin, mais le seul larcin que j’ai commis dans ma vie fut de dérober dans le quartier Latin un Livre de poche, « Histoires de boxe », de Jack London. Lequel a fait le premier entrer l’anglaise dans la littérature. Pratique obscène car si le noble art a été inventé par des aristocrates britanniques qui en tournoi s’embrochaient trop fréquemment à coups d’épée – un direct est moins dangereux tout de même –, elle a longtemps été interdite aux femmes. 

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Jack London a su en faire un sujet prolétarien. On a souvent que ses deux poings comme capital. 

Bien loin devant le foot ou le rugby, la boxe est le sport le plus cinématographique. La souffrance des pugilistes répond à celle des travailleurs. Et à la grâce de leurs gestes quotidiens. 

Le poète et cinéaste Jean Cocteau, remis de l’opium, entraîna le grand boxeur Al Brown, lui-même longtemps accro : « Le calme, le destin, la couronne d’épines. La franchise, la danse et le choc du départ. […] Le ring environné de tombes et d’amis, et cet homme debout parce qu’il l’a promis. »

Boxer, c’est danser, c’est l’art d’éviter les coups, pas d’en donner.

Il y a bien des années, j’ai tenu le bureau des élections prud’homales dans l’ancienne mairie d’Arcueil. Sur la liste, je tombai sur un certain Jean-Baptiste Mendy. Ému, je l’avais en face de moi :

« Vous êtes le grand boxeur ?

                             Oui, j’ai eu une petite carrière… »

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Ce proche de Richard Bohringer a quand même été champion du monde des légers WBC en 1996 et WBA deux ans plus tard. Une modeste carrière ?

Son visage portait encore les coups reçus bien qu’il eût raccroché les gants quelques années plus tôt. Ses poings étaient boursoufflés. Il était fier de venir voter, lui qui double champion mondial, surnommé « le Diamant » car doté d’une technique de dingue au service d’une droite redoutable, travaillait comme manutentionnaire dans une supérette près de la nationale 20.

Cet homme adorable est mort le lundi 31 août d’un foudroyant cancer du pancréas, à l’âge de seulement 57 ans. 

Et sa fédération dans tout ça ? Il n’était que de la chair à ring… Faut dire que quand on est né à Dakar…

Est-ce ainsi que les boxeurs vivent

Et leurs victoires au loin les suivent

Comme des soleils révolus

 



9 août 2020

Ubuesque kakistocratie (Infox et déforestation virale)

La bêtise, c’est de la paresse.

Une espèce de graisse autour du cœur

Jacques Brel

 Ce n’est pas pour faire mon malin, mais, étant exilé au large des réseaux sociaux et de leurs déchaînements haineux, j’en perçois néanmoins les échos complotistes. 

Pour paraphraser Céline, les réseaux sociaux sont l’infini mis à la portée des caniches (pauvres chiens…). 

Ainsi ai-je raté que la Covid-19, en cette période où tout le monde a une formation accélérée de professeur de médecine, relevait de la juiverie internationale sponsorisée par Bill Gates à moins que ce ne fût le fait d’un laboratoire chinois financé par Georges Soros. Bien sourcés, les complotistes pouvaient déjà affirmer que les attentats du 11 Septembre avaient été ourdis par des sionistes à la solde des marranes portugais qui avaient inventé le trafic négrier transatlantique (quid du transsaharien ?).

Peut-être convient-il d’instituer une distanciation intellectuelle ? 

Bien sûr, avant les réseaux asociaux existaient-ils des légendes urbaines : Paul McCartney étant mort avant d’avoir enregistré « Abbey Road » car pieds nus en traversant la célèbre rue, les Camel regorgeant de came, les femmes des cabines d’essayage ligériennes enlevées par qui vous savez, la CIA empoisonnant au LSD une bourgade française… 

Les complotistes nient la contingence et le hasard. Or l’irrationalité de ce monde n’exclut pas la pertinence des sciences, qui, par définition, ne sont jamais tout à fait exactes. Sinon pourquoi chercher si tout est écrit à l’avance ?

Parfois, complotistes et (certains) marxistes cherchent la rationalité en ignorant les coups de dés.

« Le peuple invente des mensonges et y croit », disait La Boétie.

Il faut que tout soit bien rangé dans de petites boîtes très étroites. Le hasard est insupportable à la conscience collective. Et « la vitesse nous a enfermés sur nous-mêmes », prophétisait dès 1940 Charlie Chaplin dans « le Dictateur ».

L’éducation coûte cher, essayons l’ignorance.

Diantre, fut-ce un complot si la trompette de Dizzy Gillespie, par exemple, avait été déformée lors d’un accident et que ce maître de jazz trouva judicieux d’en jouer ainsi dorénavant ? Si les radio-opérateurs US transmirent à l’état-major les prémices de l’attaque sur Pearl Harbor et que personne ne les a crus, cela relevait-il d’un coup monté de  Churchill ?

La Terre est plate puisque personne n’a jamais marché sur la Lune (merci Stanley Kubrick !).

Forts d’un QI d’huîtres et nourris d’infobésité, les apôtres de la sottise graisseuse célèbrent souvent l’avènement des rois Ubu. 

De son paradis, le libertaire Alfred Jarry (1873-1907) doit jouir de confortables droits d’auteur.

Nous informe, dans « le Monde diplomatique » de juin 2020, Ibrahim Warde, universitaire étatsunien, que le vocable oublié de kakistocratie a été déterré par l’ancien chef de la CIA devenu commentateur TV John Brennan répondant à un tweet de Trump : « Votre kakistocratie est en train de s’effondrer. » 

 

Kakistocratie

À la veille de la Grande Dépression, ses vertus étaient célébrées. Dérivé de deux mots grecs, kakistos (superlatif de " mauvais ") et kratos (" pouvoir "), kakistocratie signifie " gouvernement par les pires ".

https://www.monde-diplomatique.fr

 

Kakistos : superlatif de mauvais en grec, kratos : pouvoir. Ainsi le gouvernement par les pires. En 1928, le président de la Chambre de commerce Homer Ferguson osait déclarer: « Le meilleur serviteur de l’État est le pire. » 

La kakistocratie pourrait-elle s’appliquer à Donald Trump, Jair Bolsonaro, « Beppe » Grillo, Volodymir Zelensky, Rodrigo Duterte… 

J’en passe et des présidents hongrois ou polonais ? Sans oublier « le génie des Carpates », Idi Amin Dada ou le « Cavaliere », mon ancien patron.

Puisque tout est possible, alors le pire est possible !

Oh ! les kakistocrates ne sont guère les seuls nuisibles. Dans nos belles démocraties, les nobles technocrates de marché ont-ils soutenu l’OMS, qui, depuis 2003, a imploré la Chine et d’autres pour qu’ils renoncent à certains marchés d’animaux sauvages ? 

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Maintenant, les apôtres de la protection de l’environnement renflouent l’industrie automobile. Comme l’écrivait un certain général de brigade, « les possédants sont possédés par ce qu’ils possèdent ». (Par surcroît, nombre de relocalisations sont impossibles à cause des pertes de savoir-faire en Europe, par exemple.)

Qu’importe… si les médecins sur les plateaux de télé se sont divisés, ego oblige, les virologues ont plutôt été cohérents : le sida est apparu dans les années 1960 à la suite de la consommation de viande de chimpanzé due à l’expansion dite économique ; Ebola a jailli de la jungle éventrée. 

Le bonheur n’est peut-être pas dans « l’après »…

Qu’importent encore, ces derniers temps, la déforestation d’un tiers de l’Amazonie, le saccage du Congo ou de l’Indonésie. Sans exclure le dégel des pergisols sibériens, qui risquent, eux aussi, de réveiller des virus millénaires… On continuera néanmoins à manger du Nutella à la sauce orang-outang et de la vache élevée au soja croissant sur des Terra brasiliensis illégalement outragées.

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Gouverner, c’est prévoir. Or, nous vivons dans le présentisme, l’hystérisation de la performance et l’aporie de l’altérité (l’impossibilité de penser l’autre). Dès 1962, Rachel Carlson publiait « Printemps silencieux ». D’aucuns ont ricané quand, candidat à l’élection présidentielle de 1974, l’ingénieur agronome René Dumont a exhibé un verre d’eau, prophétisant de futures catastrophes écologistes.

Les mêmes crânes d’œufs formatés par les écoles sachantes se gaussaient d’Aguigui Mouna qui avait anticipé l’effondrement de la biodiversité.

Huit ans après la candidature de René Dumont, Jean Englin et Hervé Théry publiaient chez Maspero « le Pillage de l’Amazonie » (préfacé par Alain Ruellan). 

Standing Bear prophétisait déjà : « Le vieux Lakota était sage. Il savait que le cœur de l’homme éloigné de la nature était dur. »

Et si l’on faisait du marché l’économie ?

29 juin 2020

Finouche au regard noyé de tendresse (Petit hommage au mélancomique Guy Bedos)

La Méditerranée, où l’intelligence est sœur de la dure lumière

Albert Camus 

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Ce n’est pas pour faire mon malin, mais quand mon cher historien et géographe Marc Ferro débarque, avec son épouse, Vonnie, en 1948, à Oran, il écrit : « Là-bas, tout de suite, on a senti qu’il y avait des problèmes. On voyait se disputer les transporteurs et les petits Arabes avec leurs charrettes. Nous, avec nos idées de gauche, avons pris une charrette, évidemment.  » Arrivés au lycée Lamoricière, « l’homme jette mon bagages, crache par terre et nous dit : “Ici il n’y a que des juifs et des Espagnols…” Nous avons vite compris qu’il se passait quelque chose dans ce pays. »

En 1948, Guy Bedos a 14 ans. Il est né à Alger sous de mauvais augures. Quand sa mère ne frappe pas son mari handicapé à coups de marteau, elle accouche d’un chérubin « laid comme un petit juif ». Au côté de cette mère pétainiste, le petit Guy est éduqué par un beau-père raciste auquel il s’affronte physiquement. 

« Le premier gouvernement que j’ai eu à subir, c’est ma mère et mon beau-père. Ma constance dans la rébellion vient de là. »

Heureusement, dans cette Algérie, département français, il y a l’école républicaine et Finouche. Institutrice, elle lui enseigne le respect de l’autre, fût-il arabe. 

« Les juifs et les Arabes qui s’entretuent, ça fera toujours ça de moins », ironisera Guy.

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Premier collègue de théâtre : Jean-Paul Belmondo. Une manière d’anarchiste sans conscience politique. Un peu comme sa Sophie Daumier, qui ne respectait aucune hiérarchie.

Autre point commun avec Bébel, son peu d’enthousiasme pour la guerre d’Algérie. Belmondo est pied-noir d’origine sicilienne par son sculpteur de père. Réformé, Guy ne se voyait pas tuer ses camarades de classe. Petits Arabes, ils n’avaient pas le droit d’aller chez lui, où on ne cuisinait jamais le couscous d’ailleurs.

Et puis, en « métropole », de belles rencontres, Jacques Brel, Boris Vian, Jean-Pierre Marielle, Claude Brasseur, Jean Rochefort, Victor Lanoux, Georges Moustaki, Barbara (avec qui il ne pouvait point petit-déjeuner tant elle lui foutait le cafard), Pierre Prévert, Simone (la Signoret, un repère moral), Gisèle Halimi (la marraine de son fils Nicolas), Pierre Desproges, James Baldwin, Michel Boujenah, Matthieu Chédid, Charles Aznavour, sa très chère « fiancée », Françoise Dorléac, morte dans les circonstances atroces qu’on sait… On connaît aréopage plus nul !

Censuré sous Giscard, qui n’apprécie guère sa revue de presse, Guy Bedos est quand même invité au « Grand Échiquier » de Jacques Chancel, où il fait connaître à ma génération son ami Higelin. 

Partenaire bienveillant et taciturne d’Annie Duperey ou de Muriel Robin, infatigable combattant du racisme, tel était le Dr Simon d’« Un éléphant ça trompe énormément », d’Yves Robert. Affublé d’une mère un brin possessive, Marthe Villalonga, un pied-noir non repentie, mais qui n’a que trois ans de plus que lui – c’est jeune pour faire un enfant ! –, le Simooooon nous a quittés quatre jours après son frère d’écriture, Jean-Loup Dabadie. 

Vers la fin de sa vie, sa mère fasciste avait une aide-soignante antillaise. Elle lui jetait des objets à terre : « Ramasse ! »  Mais il en était fini de l’Algérie française.

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L’interprète génial d’ « Arturo Ui », de Berthold Brecht, a écrit : « Ma carrière d’humoriste est un succès, ma vie de citoyen utopiste, un échec. »

Que la terre de Corse, votre Algérie de substitution – Algérie où vous étiez très populaire –, vous soit douce.

Et que grâce soit rendue à des institutrices comme Finouche au regard noyé de tendresse et d’intelligence bienveillante qui ont fait reculer les barrières de la sauvagerie raciste. Laquelle s’illustre à merveille aux États-Unis, par exemple, en ce moment !

Guy Bedos est parti dormir le 28 mai, heureusement qu’il nous reste le fin politologue Jean-Marie Bigard…

 

Bonus

 

À écouter, lue par Augustin Trapenard, la lettre que son fils, Nicolas, adresse à son père :

"Je sens que tu n'es pas loin... Tu n'es pas mort, tu dors enfin..." - Nicolas Bedos

Nicolas Bedos est comédien, scénariste et réalisateur. Dans cette lettre, il dit adieu à son père, Guy Bedos, disparu le jeudi 28 mai 2020. Paris, le 31 mai 2020, Papa, Une dernière nuit près de toi. Des bougies, un peu de whisky, ta main si fine et féminine qui serre la mienne jusqu'au p'tit jour du dernier jour.

https://www.franceinter.fr


Une petite compilation :



18 juin 2020

Le Sein des saints (58 hectares et pourtant le quart de la France)

“Un Breton, ça sert à aider les autres, sinon, à quoi bon ?”

Tanguy

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Ce n’est pas pour faire mon malin, mais, je crois que, pour paraphraser la formule du dialoguiste un peu collabo Michel Audiard, les fascistes, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît.

L’annonce de la visite de Marine Le Pen sur l’île de Sein, le 18 juin, m’a révulsé. Ayant des liens affectifs avec les Sénans, bien qu’un peu morbihannais, je suis tombé de mon Panthéon, où reposent les cendres de Jean Moulin. 

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Le 18 juin 1940, l’île n’avait qu’une seule radio, sur le quai. Son curé a été l’un des rares à entendre l’appel du récent promu au grade de général, un certain Charles de Gaulle. Il a enjoint ses ouailles à le rejoindre à Londres. La plupart des marins pêcheurs sénans ont forcé le blocus vers les côtes anglaises pour rejoindre ce qui n’était pas encore la France libre. Certains ont rebroussé chemin, m’a confirmé l’ancien maire de Sein, Dominique Salvert. 

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Qu’importe, Sein était un quart de la France.

Au grand malheur des Sénannes sans guère de ressources qui ont vécu l’Occupation dans la misère et les rares pommes de terre.

De Gaulle, un temps convaincu de faire de la Bretagne un réduit miliaire, arrosera d’argent public et après guerre cette province celtique irréductible, bien que certains irrédentistes fussent favorables au concept de race dite aryenne.

De Gaulle parlait breton, un peu. Une partie de sa famille était irlandaise, il est vrai.

Le parti fasciste de madame Le Pen a compté parmi ses fondateurs des vichystes patentés ayant combattu auprès de la Waffen SS sur le front de l’Est. Ce groupuscule néonazi a puisé ses fonds dans des malversations diverses et la vente de chants hitlériens. Détails de l’Histoire…

Ah oui ! le Front national, sous l’Occup’, était un faux nez du Parti dit communiste. Jean Moulin n’en fut point dupe.

Aujourd’hui, les communistes d’Audierne et alentour ont promis de réserver un accueil « particulier » à la Grosse Vache.

Peut-être faudrait-il distinguer les militants de base des dirigeants du Parti. Néanmoins, en juin, 1940, les communistes étaient sous le joug du Pacte germano-soviétique. Ainsi renvoyaient-ils dos à dos les impérialismes anglais et… nazi. Duclos ne demandera-t-il pas, par exemple, la republication de « l’Humanité » auprès des autorités du Reich à Paris ?

Sur 128 Sénans partis pour l’Angleterre, 21 ne sont pas revenus… Nous leur devons un peu de ce qui reste de notre liberté.

 

 

Marine Le Pen est sur l'île de Sein ! [Exclusif]

Marine Le Pen a déjoué toutes les attentes. La présidente du Rassemblement national, qui était attendue ce jeudi, à Sein (29), pour un dépôt de gerbe, a été aperçue ce mercredi prenant un bateau à Camaret (29). Entourée d'une équipe d'une dizaine de personnes, elle a quitté le port camaretois.

https://www.letelegramme.fr

 

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