Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Avec accusé de déception
31 décembre 2020

Il y a cent ans, le Noël des “premiers communistes” (Les “nés de la guerre” – 1re partie)

La trahison n’est qu’une question de date

Talleyrand

Ce n’est pas pour faire mon malin, mais le spectre du communisme-léninisme a hanté et bousculé le XXe siècle. Or, « notre » premier Parti communiste est né à Tours et à Noël il y a cent ans. Pourquoi y revenir compte tenu que le PCF ne représente plus que 2,49 % des voix aux dernières européennes et que, « bilan globalement positif », il continue quand même à administrer 54 villes de plus de 10 000 habitants ?

51142

Peut-être parce que la Section française de l’Internationale communiste, devenue Parti communiste en 1922, trois ans après la fondation du Kominterm, a encouragé le sport et la culture chez nous. L’ex-trotskisant Maurice Thorez ne lisait-il pas César en latin, Héraclite en russe, Spinoza, Montaigne ou Diderot ?

Peut-être parce que l’on doit au PCF la réduction du temps de travail, le vote des femmes (merci monsieur Grenier), la Sécurité sociale (Ambroise Croizat), la nationalisation du gaz et de l’électricité (Marcel Paul) et autres « réformettes ». 

article24

Peut-être parce que l’histoire du « premier Parti communiste » est singulière. Ses protagonistes sont largement oubliés. Qui se souvient de Boris Souvarine (pseudonyme emprunté à « Germinal »), d’Alfred Rosmer, compagnon indéfectible de Trotski, du libertaire Amédée Dunois, de l’instituteur Fernand Loriot, de Pierre Monatte (l’ex-anarchiste devenu le Lénine français et patron de « la Vie ouvrière »), du capitaine Albert Treint, de Suzanne Girault ?

Peut-être se souvient-on d’un parti « moscoutaire » torturé par un centralisme qui n’avait rien de démocratique. 

Or, le premier Parti communiste est antipatriotique – opposé à l’annexion de l’Alsace-Lorraine sans référendum d’autodétermination –, antimilitariste – bien des bolchevistes ont vécu l’horreur des tranchées –, anticolonialiste – le futur Hồ Chí Minh sera candidat dans le 13e arrondissement de Paris, le PC luttera contre la guerre du Rif, récupérant au passage le mouvement surréaliste –, protoféministe, qui envoie des députées à l’époque où les femmes n’ont pas encore le droit de vote. 

Au congrès de Tours, la SFIO, section française de l’Internationale ouvrière, la « Vieille Maison », perd : 70 % pour l’adhésion à l’Internationale communiste, contre 30 %. Léon Blum est inaudible, Jean Longuet, très populaire mais défensiste et reconstructeur, petit-fils d’un certain Karl Marx, ne rencontre guère d’écho.

Familier de Paris, Léon Trotski avait prophétisé ceci : « Le futur Parti communiste en France doit être  construit par l’alliance des syndicalistes révolutionnaires, “communistes comme Monatte, Rosmer et autres” et des communistes du Parti socialiste, comme Loriot ? »

Petit retour en arrière : la gauche révolutionnariste de la Belle Époque est divisée bien qu’œcuménique, surtout à l’issue de l’affaire Dreyfus. Après les défaites de 1909, les syndicalistes révolutionnaires de la CGT marquent le pas devant les parlementaires de la SFIO. Jaurès et Longuet rassemblent au 9 de la rue Cadet, dans la salle du Grand Orient de France, cette gauche plurielle. 

Cependant, l’heure est déjà aux trahisons. Ami de Louise Michel, Georges Clemenceau fait tirer sur les ouvriers en 1905. La journée de travail est de douze heures, la justice s’affiche de classe – Jules Durand, docker charbonnier du Havre, est condamné à mort pour un crime qu’il n’a pas commis, qu’importe il finira fou à l’asile. 

Puis, les Balkans basculent. Au congrès de Paris, en juillet 1914, Jaurès, de justesse, fait voter l’idée d’une « grève générale ouvrière simultanée et organisée dans les pays intéressées ». Côté français, on doute de l’internationalisme allemand au cas où… Tout le monde n’est pas Karl ni Rosa.

On connaît la suite, Jaurès est assassiné par Raoul Villain, qui portait bien son nom et sera acquitté en 1919. Le patron de « l’Humanité » succombe sous les yeux de Dunois et Longuet. 

Assassinat-Jaures-cf598

On connaît malheureusement la suite : l’Union sacrée, Jules Guesde, le marxiste historique qui devient ministre d’État, Marcel Sembat, qui entre aussi au gouvernement, le carnet B qui fait plouf, Gustave Hervé de la «  Guerre sociale » qui appelle à la mobilisation après avoir demandé aux pioupious de flinguer leurs officiers. Quant à l’ancien anarchiste Charles Péguy… Une débâcle morale qui se soldera par 1,4 million de morts en France, des milliers de « gueules cassées », une nation ruinée, une révolution allemande réprimée par une partie de la gauche, la grippe espagnole…

Le futur PC est enfant de Zimmerwald, en Suisse, où a lieu la première réunion des internationalistes dès 1914. Sans la Grande Boucherie, pas de révolution de février 1917, qui a débouché sur le pays le plus libre du monde, et pas de putsch léniniste en octobre.

Auteur de « l’État et la Révolution », Vladimir Illich a entendu rallier les divers courants libertaires du monde entier afin de régénérer le socialisme. 

Au Brésil, par exemple, on nomme les léninistes « maximalistes », considérés comme des anarchistes organisés !

Joueur d’échecs, monsieur Oulianov voit la révolution bolchevique comme un prologue à la déferlante mondiale. Après la Russie, la Pologne, l’Allemagne… la Hongrie. Bientôt la France ?

lenin_w 000-arp1678682_1

Octobre a vengé la Commune de Paris, au grand étonnement de Lénine lui-même, sa révolution a tenu plus de soixante-douze jours. De son train blindé, Trotski, avant de trahir les cosaques noirs de l’anarcho-communiste Nestor Makhno qui vont briser les reins des armées blanches, est en passe de gagner la guerre civile.

À l’Est, tout est nouveau. C’est dans ce contexte chaotique que va naître le premier Parti communiste de France…

(La suite au prochain numéro…)

Publicité
Publicité
Commentaires
Avec accusé de déception
Publicité
Archives
Newsletter
Avec accusé de déception
Publicité