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Avec accusé de déception
18 mars 2019

Élémentaire, mon cher Paul VI (Les graves du Vatican)

On ne résout pas un problème

avec le mode de pensée qui l’a engendré
Albert Einstein


Ce n’est pas pour faire mon malin, mais le mot omerta (omertà) vient de l’italien, langue officielle du Vatican. Lequel est à la fois un État, siégeant à l’ONU, et le gouvernement de l’Église « universelle », la Curie. Inutile de dire que ce territoire de 0,44 km2, octroyé par Mussolini en 1929, condense bien des mystères du monde, d’autant que la densité au mètre carré de matière grise y est phénoménale.

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Messe de clôture du Sommet pour la protection des mineurs au Vatican, le 24 février

Il ne vous aura pas échappé qu’on parle beaucoup de l’Église ces derniers temps. Et pas pour de nobles motifs, au point que le pape François a réuni un sommet au Vatican, le 24 février, sur « la protection des mineurs dans l’Église ». Le souverain plein de poncifs persiste à voir derrière les crimes sexuels l’œuvre de Satan relevant d’un « problème universel » qui touche avant tout les familles et les éducateurs. Bref, un mea culpa décevant car sans justice ni mesures concrètes.

(Deux jours plus tard, la condamnation du cardinal australien George Pell, ex-numéro trois du Vatican, pour viol sur mineurs, prononcée en décembre, est rendue publique… Le mois précédent, son homologue de Washington Theodore McCarrick était renvoyé de l’état clérical.)


Or, c’est bien l’institution vaticane et non Lucifer qui a permis tout cela. La thèse avancée par moult observateurs (et même pas romani) veut que ce ne sont pas le célibat forcé et la prétendue abstinence qui détraquent les âmes et les corps. Mais qu’au contraire ce sont des hommes (surtout) qui ayant un problème avec leur sexualité trouvent refuge dans une Église dont elle sait qu’elle les protégera, d’autant plus que le patriarchat y règne en maître.
Un homosexuel honteux lave l’honneur de sa famille en portant une soutane et s’il entre au Vatican va évoluer dans un univers favorable – voir le livre d’enquête « Sodoma » de Frédéric Martel (chez Robert Laffont).


Un prédateur sexuel (hétéro ou pédophile) sait qu’il sera couvert par sa hiérarchie. Bien sûr notre Sainte Mère l’Église n’accueille pas que des libidineux ou des gays redoutant le coming-out. Cependant, si l’on regarde le film de “Religieuses abusées, l’autre scandale de l’Église”, documentaire de Marie-Pierre Raimbault et Éric Quintin, on s’aperçoit que tous les sœurs (comme Marie-Paule Ross au Canada) et les frères (comme Pierre Vignon) qui ont tenté de secourir les victimes des crimes sexuels ont été « exilés » de leur fonction ou de leur paroisse. Marie-Paule a été contrainte de quitter Québec pour le fin fond du Nouveau-Brunswick, Pierre a été exclu du tribunal ecclésiastique : « Tout est géré depuis Rome. »

 



Évidemment, l’Église n’est pas la seule institution de ce genre. En France, la haute fonction publique, l’armée, la police, l’Éducation nationale, les entreprises, le cinéma (hello, Mister Wenstein), les partis politiques (sauf le PCF dernièrement)… protègent leurs brebis galeuses. Partout où il y a interdit, il a transgression… Et puis, la hiérarchie, comme son nom l’indique, c’est sacré !


Mais enfin le cas du Saint Siège, vu l’ampleur des crimes, relève moins du chemin de croix que d’un highway to Hell !


De par le monde (puisque catholique, du grec katholikos, veut dire universel), les victimes, enfants, hommes, femmes, se comptent par milliers et les procès par centaines car les langues ont fini par se délier.


En témoigne, en France, le succès du film de François Ozon « Grâce à Dieu » (qui a failli être « censuré »). Homosexuel et catholique, le cinéaste déclare : « L’association la Parole libérée reçoit depuis la sortie du film beaucoup de soutiens et des dizaines de nouveaux témoignages. » Pour Luc Crépy, évêque du Puy-en-Velay, « [ce film] montre la loi d’un silence coupable dans les familles et chez les responsables de l’Église ». Militante antipédocriminalité, sœur Véronique Margron juge ce long-métrage d’une « grande profondeur d’humanité […] et tragiquement utile ».

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Bien sûr, le titre du film est emprunté à la célèbre citation de Mgr Barbarin : « La majorité des faits, grâce à Dieu, sont prescrits aujourd’hui. » Or, contre toute attente, le prélat des Gaules a écopé, le 7 mars, d’une condamnation de 6 mois de prison avec sursis pour non-dénonciation de crime sexuels. Il a fait appel mais devrait présenter sa démission au pape dans les prochains jours. La justice des hommes lui reproche d’avoir couvert les agissements du père Preynat. Praelatus predatoris s’est défendu : « Je n’étais qu’un demandeur d’affection… » Une de ses victimes, encouragée par la Parole libérée, a répondu : « Ma jeunesse s’est arrêtée sur son lit. J’y ai repensé tous les jours. » Preynat n’est pas encore condamné.


Barbarin (auquel succédera peut-être Barbare-II ?) n’est pas le premier évêque français à subir les foudres de la justice. En 2001, son homologue de Bayeux-Lisieux, Mgr Pican, avait été condamné à trois mois de prison avec sursis. À l’automne dernier, Mgr André Fort a été condamné à huit mois avec sursis pour avoir caché les exactions du père Pierre de Castelet, qui, lui, a écopé de 3 ans, dont un avec sursis.


Pour bien des psychologues, le prêtre pédophile justifie ses agressions dans la mesure où il voit dans les enfants des êtres purs et néanmoins érotisés. Un peu comme s’il se tapait le petit Jésus. Pour lui, mieux vaut être pédéraste qu’hétérosexuel.
Enfin, tous les ecclésiastiques détraqués ne sont pas du même avis…


On connaissait le film irlandais « The Magdalene Sisters » (2002) dénonçant la perversité de certaines sœurs dites supérieures envers leurs nonnes, humiliées, dénudées et rabaissées. Grâce au documentaire “Religieuses abusées”, on a la confirmation que tous les goûts sont aussi dans la nature du prêtre violeur, d’autant que celles qui sont mariées à Dieu lui doivent obéissance.


Sœur Doris a cette formule : « Ils m’ont privé de ma chasteté. » Elle quitte l’Église enfin après des années de calvaire, mais elle est sans le sou car n’ayant jamais cotisé. La hiérarchie décide de lui acheter son silence… 3000 €. Son violeur ne sera jamais inquiété.


La carmélite Michele-France a subi un quart de siècle les attouchements de son père spirituel, le saint homme Marie-Dominique, grand ami de Jean Paul II, exfiltré vers la secte scoutiste des « Petits Gris », bien qu’ayant théorisé l’acte sexuel, Évangiles à l’appui ! Et ceux du père Thomas Philippe, à l’hygiène douteuse au moment du « cunnilinguis » (sic). Après trente ans de crime, on expédie ce vieux libidineux à l’Arche, centre d’aide aux handicapés… on en tremble. Aucun des deux n’aura de comptes à rendre à Dieu.


Ces nonnes étaient comme des « oiseaux hypnotisés par la vipère et qui peuvent encore lui échapper mais ne le font pas ».


Et puis il y a toutes ces sœurs d’Afrique notamment, prostituées par certaines mères-maquerelles supérieures pour le compte du missionnaire en chef.
Faute d’argent, celles qui viennent étudier au Vatican rubannent aussi. « Dieu t’a offert un corps, non ? »
Une fille congrégationniste tombe enceinte. On l’exclut momentanément, le temps qu’elle accouche et fasse adopter son bébé. Elle pense alors revenir mais les voies de la congrégation sont impénétrables. Heureusement, un avocat bénévole lui récupère l’enfant. Mais elle est démunie, sans le sou elle aussi.


En octobre dernier, sur la place Saint-Pierre, le pape François déclare : « Ce n’est pas juste de se débarrasser d’un être humain, même petit, pour résoudre un problème. C’est comme avoir recours à un tueur à gages. […] Comment un acte qui supprime la vie innocente peut-il être thérapeutique, civil ou tout simplement humain ? »


Dans « Lakota Woman, ma vie de femme sioux », Mary Crow Dog narre ses souffrances de Sauvageonne chez les missionnaires à St. Francis. « Il y eut un jour un engorgement des canalisations. L’eau ne pouvait plus passer dans les tuyaux. Dans les sous-sols de la mission, il y avait des galeries et des passages auxquels seuls les religieuses et les prêtes avaient accès. Quand l’eau a été refoulée, il a fallu examiner toutes les canalisations et les nettoyer à fond. Et dans ces énormes tuyaux, on a trouvé des cadavres de nouveau-nés. »


Dans « Religieuses abusées », Constance témoigne qu’elle a été prostituée et comment un médecin missionnaire lui a conseillé d’avorter : « Tu n’es pas la Sainte Vierge ! »


Cerise sur la mitre, quand explose l’épidémie de sida en Afrique, certains missionnaires, de peur de l’attraper auprès des broussardes, changent de position et préfèrent se tremper le petit jésus dans des sœurs réputées pures… Il faut rappeler que l’Église a mis le préservatif à l’Index.
Proxénétisme, prostitution forcée, avortements de masse sont bien sûr dénoncées en leur temps par des organisations catholiques comme Caritas Internationalis, sans suite. Aucune indignation vaticane.


Aucune indignation non plus quand le Saint Siège a vent des trafics d’enfants de mères célibataires désormais au couvent. Combien de gamins irlandais par exemple ont-ils été arrachés à leur mère et « placés» aux États-Unis et au Canada ? Comment d’enfants de « rouges » ou de pauvres femmes ont-ils été « exfiltrés » vers des familles respectables en Argentine ou en Espagne avec la complicité de membres du clergé ?


En sus de l’omerta, il y a l’hypocrisie.


Quand Francesco Bergoglio dit : « qui suis-je pour juger un homosexuel ? » tout en encourageant les jeunes gay à aller se faire soigner, on décèle toute l’ambiguïté de l’ancien archevêque de Buenos Aires sous la dictature…


Pourtant, François sait que sa curie regorge d’«invertis ». Tenez, un de ses prédécesseurs était l’archevêque Montini, connu pour ses douces escapades avec de jeunes éphèbes dans les jardins publics de Milan. Quand, le 21 juin 1963, monte la fumata bianca, il prend le nom de Paul VI. Bien des Italiens rient sous cape. Paul III et Paul IV étaient des homos certifiés. Qu’importe, Paolo sesto est vite surnommé Paolo mesto, l’Éploré. Car il en a, des soucis : l’héritage de Vatican II, les démêlés du banquier sicilien Michele Sindona, le réseau anticommuniste Gladio, regroupant CIA, Mafia, hommes d’affaires vaticanais, la sainte trinité en somme…

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Pas étonnant alors que Paul VI se réconforte dans les bras d’un bel acteur, Paolo Carlini, dont la légende veut qu’il ait joué dans un épisode TV de Sherlock Holmes. En 1976, « notre » Roger Peyrefitte, dans un livre, fait étalage de cette amitié particulière. Scandale. Simonetta Greggio écrit : « Un cortège gay est alors organisé à Rome, au cours duquel les manifestants crient, “Il papa con noi”, et, Montini, nous luttons aussi pour toi. »


Survient, en mars 1978, l’enlèvement d’Aldo Moro par les Brigades rouges. Le fils d’un des collaborateurs de Paul VI est impliqué. Vraisemblablement sous la contrainte, le pape écrit cette phrase : « Libérez-le sans conditions ! » Ce qui, pour Simonetta Greggio, revient à condamner à mort le président du Conseil.


Quelques années plus tard, Jean-Paul II reçoit Corrado Simioni en audience privée. Or, lettré, théologien, ce dernier est un des pères fondateurs des Brigate Rosse. Il a aussi été, après un passage dans la maison d’édition Mondadori, le secrétaire de l’abbé Pierre, dont la nièce, Françoise Tuscher, fut inculpée de participation à bande armée. Simioni n’a, lui, jamais été incarcéré… Il finira sa vie dans la Drôme, bouddhiste, patron d’un bed and breakfast, entouré de brebis (non galeuses).


Pour secourir sa nièce, l’abbé Pierre rencontre Sandro Pertini, alors président de la République. Ce dernier niera s’être entretenu avec lui…
Paul VI meurt quelques mois après Aldo Moro. Paolo Carlini le suit de peu.


M’est avis, mon cher Montini, que, pour démasquer les vrais « tueurs à gages » et violeurs en série, il serait temps que, du haut des cieux, tu demandasses à Guillaume de Baskerville de rechausser ses besicles et se mettre au service de Sa Sainteté non pas au nom de la rose mais de toutes les victimes.


PS : le terme « abus sexuel » n’a pas été utilisé dans ce texte car jugé impropre. Définition du Larousse : « Abus : usage injustifié ou excessif de quelque chose. L’abus d’alcool, de tabac. [Mais aussi] abus de pouvoir : usage excessif d’un droit, d’un pouvoir, d’une fonction par son titulaire. » Or, le viol, s’il est fruit d’un abus de pouvoir, n’en est pas un mais un crime.

 

Bonus 

À lire
• “Dolce Vita, 1959-1979”, Simonetta Greggio, Stock, 2010, 408 pages, 21,50 €.
• « Sodoma » de Frédéric Martel (chez Robert Laffont).

À voir
•“Religieuses abusées, l’autre scandale de l’Église”, documentaire de Marie-Pierre Raimbault et Éric Quintin, avec la collaboration d’Elizabeth Drévillon, diffusée sur Arte le 5 mars dernier, mais encore dispo sur le Web.
• “Grâce à Dieu” de François Ozon, plus de 500 000 spectateurs au compteur depuis sa sortie !

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