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Avec accusé de déception
17 octobre 2020

Endettés, endeuillés, en détresse (Bullshit jobs– Second part)

Il y eut un chevalier au Moyen Âge qui avait un serviteur

juste pour lui épiler la moustache

David Graeber (1961-2020)

 Ce n’est pas pour faire mon malin, mais la parole sacrée, la hiérarchie, m’insupporte en vieillissant. Et le monde du travail, dont je suis éloigné journalistiquement, encore plus. Un univers de « larbins, de porte-flingue, de rafistoleurs, de cocheurs de cases dans des tableaux Excel que personne ne lit », de poucaves à qui on n’aurait jamais donné l’adresse de Jean Moulin, de business managers qui viennent au taff deux jours par mois, d’éditeurs qui ne lisent pas ce qu’ils publient, de directeurs des rédactions qui se gobergent tout en refusant la moindre augmentation aux travailleurs productifs.

Quant aux standardistes multilingues, qu’elles se les pèlent dans les courants d’air. On ne va pas s’apitoyer sur des bonniches érudites…

C’est sans compter sur l’effet David Dunning-Justin Kruger, théorisé à la fin des années 1990. Ah ! l’ultracrépidarianisme ! De l’art de parler de ce qu’on ne connaît pas. De la tchatche teintée d’obséquiosité supplantant la vraie compétence. Quand la rhétorique masque le talent. 

Médiocres de tous les services, unissez-vous !

Enfin, vous n’êtes pas du genre à partager votre brosse… à reluire !

« Dans certaines formes de gouvernance, écrit David Graeber, qui nous a donc quittés le 2 septembre dernier, l’inefficacité peut être efficace. […] Par bien des aspects, le système où nous vivons relève moins du capitalisme que d’une forme de féodalité managériale. Depuis les “trente glorieuses”, les salaires ont décroché par rapport aux profits. […] Il y a une relation inverse entre le montant du salaire et l’utilité du boulot. »

Par ailleurs, on observe souvent qu’il y a plus de chefs que de producteurs, les premiers méconnaissant souvent les métiers des seconds !

Toutefois, je ne saurais être tout à fait d’accord avec feu notre ami anthropologue et économiste quand il écrit ceci : « La pratique et le pouvoir des directeurs dépendent largement du nombre de salariés qu’ils ont sous leurs ordres. » Ça se discute vu l’écrémage dans les grandes entreprises. Mais vive l’ubérisation et les autoentrepreneurs, qui vont se débrouiller avec leur retraite ou leur Sécu…

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En 2018, l’essai « Bullshit Jobs » de David Graeber a obtenu un fort écho. Les boulots à la con ! Selon ce disciple de Marshall Sahlins, ils représenteraient un pourcentage non négligeable dans les grandes entreprises. Les producteurs déclineraient au profit des parasites bureaucratiques, des secrétaires généraux de badges destinés à réglementer des parkings vides, des inventeurs de logiciels aussi onéreux qu’inutiles – mais que pouvons-nous contre l’informatique souvent mère de bien des corruptions ?

Il convient avant tout de se la jouer débordé pour mieux dissimuler sa servilité. 

Le tout sous le diktat de la théorie du ruissellement : « On donne de l’agent aux riches en leur disant : tenez, allez créer des emplois. […] »

En attendant les « bullshit jobs victims » mais aussi les autres passent du « brown-out » (coupure de courant), au « bore-out » (l’ennui absolu) pour conclure sur un « burn-out » – traduire cette expression semble inutile. 

« Plus vous êtes riches, moins vous êtes capables de comprendre les autres. […] La forme ultime de violence sociale, c’est quand seuls les riches peuvent se permettre d’avoir un travail gratifiant. » 

Et David Graeber de nous avoir rappelé que « produire signifie étymologiquement pousser dehors ».

Avec une pensée pour sa veuve, Nika Dubrovsky.

 

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À lire 

Bullshit jobs - David Graeber - Les Liens Qui Liberent - Poche - Librairie Gallimard PARIS

Considéré comme l'un des penseurs les plus importants de ce début de siècle, David Graeber revient après cinq ans d'enquête pour analyser la notion de Bullshit job ou " Jobs à la con ", née sous sa plume et qui a fait le tour du monde.

https://www.librairie-gallimard.com

 

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Commentaires
A
Chroniques toujours aussi essentielles, merci Bruno
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