Le brouillard sur Laforêt s’est endormi (Une Basque bondissante)

“Penny Lane n’aura jamais les cheveux blancs”

“Il a neigé sur Yesterday”

Ce n’est pas pour faire mon malin, mais j’ai été très attristé par le décès survenu le 2 novembre dernier de Maïtena Doumenach, à l’âge de 80 ans, à Genolier, en Suisse. Nous la connaissions mieux sous le nom de Marie Laforêt, « la fille aux yeux d’or », raccourci qui a sans doute fini par exaspérer cette grâce d’intelligence qui pratiquait les vendanges de l’humour.

La Suisse ? N’a-t-elle pas chanté « Viens sur la montagne » ?

Ambiguë quant à son rapport à la célébrité, comme l’écrit Valérie Lehoux dans « Télérama », cette merveille de femme à la voix envoûtante a tourné dès ses 21 ans « Plein Soleil », de René Clément, ayant pour partenaires Alain Delon et Maurice Ronnet, « deux trous du cul prétentieux et méprisants ». Maïtena avait son franc-parler…

J’aime accroire qu’elle préféra la fréquentation de Belmondo avec qui elle interpréta trois films (« Flic ou voyou », « les Morfalous », « Joyeuses Pâques »).

Fille d’un scientifique et d’une mère érudite, Marie Laforêt a voulu devenir nonne. Heureusement pour nous, elle ne prit pas le voile.

Enfant, elle me fit connaître ce qui ne s’appelait pas encore la world music en adaptant des chansons latino-américaines. ¡ Que calor la vida !

Interprète de 14 albums, commissaire-priseure (sous l’impulsion de son mari Pierre Cornette de Saint-Cyr), galeriste, mariée cinq fois et mère de trois enfants aux prénoms éclectiques et souvent séfarades, dont la réalisatrice Lisa Azuelos (« LOL», « Comme t’y es belle»…), celle qui se voyait d’abord comme écrivaine interpréta dans « Master Class » (1997-1999) La Callas sur scène (une diva servie par une divine) avant de revenir chanter sur les planches grâce à son ami Laurent Ruquier, dont elle commentait avec un humour caustique toutes les émissions par SMS.

Férue d’art et de culture judaïque, cette femme libre chanta dans le monde entier tout en portant un lourd secret… enfin pas si secret que cela. Elle fut violée dans sa pas si tendre enfance par un très proche dont elle se vengea à sa façon…

« Sans ce viol, je n’aurais certainement pas fait un métier public qui allait à l’encontre de ma timidité naturelle. J’ai choisi un métier exutoire. »

Elle a failli se faire occire à l’hôpital par un de ses maris, adepte du Temple solaire. Toujours la Suisse…

Peut-être mal mariée, Maïtena garda les stigmates de ses blessures indélébiles d’enfance.

En France, on compte, en ce mois de décembre 2019, quelque 138 « féminicides ». Tous les cinq jours, un enfant sur cinq meurt sous les coups de ses parents. (58% des infanticides sont dus aux mères et non point aux pères !)

Anton, Ivan, Boris et moi, Rebecca, Paula, Joanna et moi… avons senti la neige sur « Yesterday ».

Maïtena veut dire « aimée » en basque.

Souvent, on adore voir les ballons rouges qui font bondir le soleil d’été, c’est si bon de ne pas penser… sauf à vous.

PS : Marie Laforêt a supervisé, avant que de rejoindre Anton, Ivan, Boris… l’intégrale de ses chansons, soit 18 CD, à sortir en janvier 2020.