Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Avec accusé de déception
19 septembre 2019

“J’ai pris la résolution de ne jamais faire de mal aux autres” (Marguerite Simon, 30 septembre 1932-10 juin 1944)

En temps de guerre, on opère avec toute la vigueur et avec tous les moyens”,

lieutenant Barth, de la SS…

 


Ce n’est pas pour faire mon malin, mais la phrase qui sert de titre à ce post a été écrite sur son cahier d’écolier par Marguerite Simon, âgée de 11 ans. Elle est née à Paris, dans le 15e. En ce joli mois de juin, elle ne sait pas encore que, dans quelques jours, on va lui en faire, du mal. En effet, Marguerite habite à Oradour-sur-Glane


Avec un ami photographe, je m’y suis rendu début septembre pour interviewer le maire de la nouvelle Oradour, le coruscant Philippe Lacroix.


« Que la nature est belle et que le cœur me fend… »

 


Boisée, la région est spendide. Le peintre Corot ne s’y est pas trompé, qui est tombé sous le charme de la Glane.

lasolitudedecorot

"La solitude, souvenir du Vigen", Jean-Baptiste Corot, 1866

Cependant s’élèvent très vite les restes de la cité-martyre, qui fut il y a soixante-quinze ans une ville prospère, avec de beaux immeubles et un tramway qui la reliait à Limoges.


En ce joli printemps de 1944, il y a des « touristes » mais aussi des réfugiés alsaciens, juifs ou non, lorrains, des « Nordistes » qui ont fui la zone occupée, des Espagnols républicains. Mais pas de maquisards ni encore moins de dépôts d’armes, prétextes invoqués par les SS pour justifier le massacre de masse.


Oradour n’a pas connu l’occupation militaire nazie. Eu égard à leurs vaches prodigues, les Radounauds ne souffrent guère du rationnement. Par surcroît, en ce joli samedi, il y a distribution de tabac. Les agriculteurs ont ainsi déserté leur champ.
Nul ne s’inquiète de la présence de la 3e compagnie du régiment de SS « der Fürher », qui fait partie de la 2e division panzer « das Reich », cantonnée depuis la veille autour d’Oradour.

DasReich2


Le samedi, dès 14h15, les « casqués » investissent la ville et commencent la chasse à l’homme mais aussi bien sûr à la femme, à l’enfant, au vieillard ainsi qu’aux malheureux qui arrivent par le tramway. Les SS les regroupent au Champ-de-Foire avant de les diviser : les hommes dans les granges, les femmes et les enfants dans l’église. Massacre de masse, pillage et incendies peuvent débuter. Certaines et certains miraculés, mus par l’énergie du désespoir, parviennent à fuir… Dans l’église, les SS tirent bas, il convient de mitrailler aussi les enfants. Ils en surprennent deux dans le confessionnal. Ils seront abattus d’une balle dans la nuque. Le bûcher commence ou a commencé. Auparavant, les représentants de la race aryenne auront pillé l’église avant de l’incendier.


Quand on y pénètre, on découvre un landau de bébé calciné et désormais rouillé. Il faut dire qu’ils n’auront même pas épargné dans leur massacre programmé un nourrisson de 3 mois (encore un détail de l’Histoire…).


Les SS ne partent pas tout de suite. Ils font ripaille, brûlent les cadavres et reviennent plus tard pour les jeter en hâte dans des fosses communes, histoire de dissimuler leurs crimes.


En tout, on comptera, avec force efforts tellement les corps sont méconnaissables, 642 victimes !

IMG_6137OK


Le général De Gaulle demandera qu’Oradour soit conservé tel quel. L’État se chargera de la construction de la ville nouvelle. C’est encore Paris qui gère la conservation du site.


Le massacre d’Oradour ne doit rien au hasard. Au printemps 1944, les nazis sont harcelés par les maquisards. Alors ils ont abondamment pendu à Tulle et pratiqué dans la région d’autres forfaits. Les hommes du communiste Georges Guingouin, Lo Grand, un des premiers maquisards français, leur ont mené la vie dure.


Certains SS ont servi en Ukraine, en Biélorussie, où a été massacré un quart de la population ! Un quart !


Les séides du Fürher n’ont pas toujours envie de rejoindre la Normandie et d’affronter des Alliés bien mieux équipés que les maquisards. Le moral est au plus bas, alors il convient de faire un autodafé humain, histoire de se redonner la pêche. Cible donc, la paisible et pacifique cité d’Oradour…


Après guerre, les Radounauds, sans haine mais assoiffés de justice, réclament des comptes. Qui sont vraiment les bourreaux ? On sait vite que certains sont morts en Normandie, sur le Rhin ou se sont fondus dans les décombres d’une Allemagne jamais vraiment dénazifiée. Le général Lammerding, ancien responsable SS de la zone, a repris ses activités professionnelles à Dusseldorf. Lui n’a fait qu’obéir aux ordres.

bordeau


Enfin, on identifie 65 assassins. Au procès de Bordeaux, en 1953, 21 d’entre eux comparaissent, la plupart « en prévenus libres ». Sept sont allemands, dont un adjudant… 14, alsaciens, dont un sergent. Or, ces « malgré nous » sont… malgré tout français.


L’adjudant allemand est condamné à la peine de mort, idem pour le sergent alsacien. Mais l’ancienne colonie du Reich rue dans les brancards. Une loi d’amnistie les sort bientôt de prison au nom de l’unité nationale retrouvée. Les condamnés à mort sont graciés.


Comme Adolf Eichmann, le lieutenant SS Barth, qui a sévi à Oradour, n’a pas cru bon de changer de nom et vit en RDA, ayant repris une activité normale. Les traqueurs de nazis l’épinglent pourtant en 1981. Son procès s’ouvre à Berlin-Est deux ans plus tard : amnésique comme les autres bourreaux, il n’a jamais demandé pardon. Lui aussi n’a fait qu’obéir aux ordres. Condamné à la réclusion à perpétuité, vieux et malade, il est libéré en 1997.


Marguerite n’a pas eu, elle, la chance de mourir dans son lit…

Libérateur de Limoges, dont il deviendra maire, Georges Guingouin tombe dans un traquenard ourdi par d’anciens collabos, flics et magistrat. On l’accuse d’avoir participé à une sordide affaire de double meurtre. Arrêté en 1954, deux ans après son exclusion du Parti communiste (qui, vu les résultats électoraux, le protégeait jusqu’alors), il est torturé dans sa cellule de Brive. Ce compagnon de la Libération gardera longtemps des séquelles psychiatriques.

40dd9bb4-5290-4f88-a540-2c9072d9ead7

 Georges Guingouin

Inadmissible, aurait dit le Général.


« C’est à tous instants qu’il a donné le plus magnifique exemple d’héroïsme, de maîtrise de soi, du mépris total de la mort. [...] Il constitue une des plus belles figures de la Résistance. »


Eh oui ! en ces époques troublées, mieux valait être un assassin nazi qu’un authentique résistant !


Les bourreaux avaient au moins une « qualité » qui ne déplairait pas à nos managers contemporains : ils savaient obéir sans réfléchir ni écouter ce qui aurait pu leur servir de cœur.


Depuis quelques années, Oradour-sur-Glane entretient des liens privilégiés avec la ville allemande de… Dachau.


Marguerite savait déjà que les enfants étaient les mêmes, à Paris ou à Göttingen.

 

 

Bonus :



 

Publicité
Publicité
Commentaires
Avec accusé de déception
Publicité
Archives
Newsletter
Avec accusé de déception
Publicité