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Avec accusé de déception
15 novembre 2017

Y avait pas de br…nleur dans “le Village français”

 « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde.

Le mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas.

Mais sa tâche est peut-être plus grande.

Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. »

Albert Camus, extrait du discours de « déception » du prix Nobel de littérature, 10 décembre 1957.

 

village français

Ce n’est pas pour faire mon malin, mais même si j’ai raté certains épisodes, je ne puis que vous encourager à regarder dès demain soir l’ultime saison de :

« Un Village français »,

saga, sous l’Occupation, des habitants de Villeneuve, petite ville fictive du Jura. Pour la dernière fois, nous retrouverons le bon docteur Larcher (Robin Renucci), sa femme, Hortense (Audrey Fleurot), maîtresse du SS Müller, le patron résistant gaulliste Raymond Schwartz (Thierry Godard), son épouse antisémite championne du retournement de veste, Jeannine (Emmanuelle Bach, fille de Jean-Pierre Elka…).

Débutée à l’été 2009, cette série, qui a récolté moult récompenses, a été créée par Frédéric Krivine (neveu d’Alain de l’ex-LCR), Philippe Triboit et Emmanuel Daucé, sous la direction historique de Jean-Pierre Azéma.

Fort de 12 épisodes par année d’occupation, « Un village français » réussit cette performance exceptionnelle d’être historiquement irréprochable tout en humanisant l’ensemble des personnages, fussent-ils de fieffés pourris comme le policier Jean Marchetti (Nicolas Gob), qui, la veille de la Libération, fait pendre – la scène nous rappelle les massacres de Tulle (voir dans le bonus) – la résistante Marie Germain (Nade Dieu, elle aussi belge dans la vie réelle). Il est aussi à l’origine de la déportation de sa « belle-mère » juive mais a fait passer en Suisse son amoureuse, abattant au passage un sniper « boche »…

On se prend même à avoir de la sympathie pour ces jeunes miliciens qui n’ont pas eu le temps de commettre l’irréparable et qui vont être fusillés par des résistants, parfois de la vingt-cinquième heure.

Il y a pour les auteurs un besoin de montrer aussi la libération de la sauvagerie en 1944-45, les espoirs déçus (voyez cet ancien poilu, résistant de la première heure, interprété par Bernard Blancan, qui finit garçon de ferme chez une paysanne qui s’est engraissée avec le marché noir…), les solidarités incongrues (le maire gaulliste qui fait évader Marchetti dans l’espoir d’apaiser les tensions).

Pour cette ultime saison,

c’est la mémoire de l’Occupation

qui est questionnée à travers les survivants et leurs enfants dans les années

1950, 1970 voire 2000.

L’Histoire se réécrit, la Shoah fait irruption, les tensions gaullistes-communistes s’atténuent ou s’exacerbent…

 

Bref, ne ratez pas « Un village français » sur France 3 chaque jeudi à 20h55, du 16 au 30 novembre.

Irréprochable historiquement – mais pourquoi Villeneuve n’a-t-elle pas de curé ? il faut dire que les Krivine… –, cette série, riche en rebondissements, nous a présenté lors de la quatrième saison, en 2012, Vincent, un agent du BCRA (services secrets gaullistes), interprété par Jérôme Robart, qui, par ailleurs, campe pour la télévision un coruscant Nicolas Le Floch. Vincent est tué dès la fin de l’épisode.

Tel ne fut heureusement pas le cas de Cheveigné, lui aussi radio-transmetteur pour Londres.

daniel cordier

Daniel Cordier en 1942 et en 2010

Nous sommes à Lyon en 1942, Daniel Cordier, secrétaire de Jean Moulin et membre du BCRA, nous livre cette anecdote-ci dans « Alias Caracalla » :

« Dès que nous sommes dehors, marchant le long des quais, Cheveigné se confie : “Hier, après dîner, j’ai eu une vacation trop longue, à cause du nombre de télégrammes en retard de Bidault [oui, le Georges, bras droit de Rex]. Je travaillais la fenêtre ouverte. Tout à coup, j’entends des voitures qui s’arrêtent devant l’immeuble : portières qui claquent, piétinement de chaussures à clous, cris rauques en allemand. Je me penche et aperçois des voitures avec des policiers qui en sortent comme des fous. Je débranche le poste, replie l’antenne et place le tout au-dessus de mon armoire. Je me déshabille et m’étends à poil sur mon lit en m’absorbant dans un roman policier. À peine suis-je allongé qu’on frappe furieusement à la porte. Je me lève et ouvre dans cette tenue. Bousculé par deux hommes qui font irruption dans la pièce en criant ‘police’, je m’étends sur le lit avec mon livre tandis qu’ils se penchent à la fenêtre. Me prend une idée folle : je bande et commence à me branler ! Si tu avais vu les Schleus ! Ils n’osaient pas me regarder, gênés comme des filles devant un garçon tout nu prenant son plaisir. Marrant, non ?”

» Il me regarde intensément, heureux de ma stupeur : “Après avoir soulevé mes livres sur la table, ouvert l’armoire et examiné la cheminée, ils sont sortis au moment précis où j’ai aperçu un morceau du fil de mon antenne qui pendouillait sur le côté de l’armoire ! Après leur départ, je me suis mis à trembler. Quand ils ont claqué la porte du bas, j’avais débandé ! […]”

» Au fil du récit de son aventure, son visage est devenu grave : derrière le masque espiègle ; je perçois la peur. “C’est plus dur que de sauter en parachute”, ajoute-t-il avec son rire d’enfant, signal de son insouciance retrouvée. »

Comme quoi la réalité dépasse…

Vous pensez encore vivre une époque postmoderne mais c’est l’anthropocène qui vous rattrape.

 

 Bonus : 

 

Un Village français : l'ultime saison bientôt sur France 3

 

Le massacre de Tulle, 9 juin 1944.

 

 

Alias Caracalla - Témoins - GALLIMARD - Site Gallimard

Léopold II. J'avais 19 ans. Après deux années de formation en Angleterre dans les Forces françaises libres du général de Gaulle, j'ai été parachuté à Montluçon le 25 juillet 1942. Destiné à être le radio de Georges Bidault, je fus choisi par Jean Moulin pour devenir son secrétaire.

http://www.gallimard.fr

“Alias Caracalla”, de Daniel Cordier. Gallimard, “Témoins”, 932 p., 32 €.

 

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