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Avec accusé de déception
7 juillet 2017

Le Mammifère omnivore se parfume au poisson chilien malgré le Gault&Millau

 

« Raconter, c’est résister »,

 Guimarães Rosa,

écrivain brésilien

 (1908-1967)

 

Avec une pensée pour Markéta Zatioukalova

 

Philippe_MEYER en 2009 par ESBY/CC

 Ce n’est pas pour faire mon malin, mais la forme de ce modeste blog doit beaucoup à Philippe Meyer, Mammifère omnivore et Toutologue multimèd (petit clin d’œil à Gérard Lefort). Ma dilection pour ses émissions et chroniques remonte, comme la femme selon son cher Alexandre Vialatte, à la plus haute Antiquité.

Dans feue la revue brasilianiste « Maíra », j’ai même commis des billets sous le pseudonyme de… Bruno Meyer. Ah ! les hétéronymes chers au monde lusophone !

Il y a un peu plus de deux ans, pour les besoins d’une revue cynégético-ruraliste, j’ai eu la joie de l’interviouver au sujet de son livre « les Gens de mon pays ». Titre emprunté à une chanson de son ami Gilles Vigneault.

150212amy1_012 livre Philippe Meyer

 

La chanson ouvre de si beaux horizons d’amitié !

Car le Mammifère omnivore, c’est aussi l’amour du Québec, de la chanson, de la musique érudite, de la bonne chère, du Carladez, de ce qui fait société, de la Comédie française, de Paris, des Frères Jacques

Des dizaines de noms fusent quand on évoque le sien : Jean-François Revel, François Morel, Jean-François Zygel, Paco Ibáñez, Jean-Louis Bourlanges, Max Gallo, Mario Vargas Llosa, Patachou, Francis Lemarque, Pierre Barouh, Philippe Ariès, Raymond Barre (par amour du tablier de sapeur ?), Grand Corps Malade, Pierre Vidal-Naquet, Jean-Marie Domenach, Gilles Deleuze, Mademoiselle (Patricia) Martin, Pierre Desproges, Michel Foucault, Michel Rocard… On a connu aréopage plus bas de gamme !

Après trente-cinq ans de brillants et loyaux services au service du service public, une directrice que j’ai connue en d’autres temps a mis fin brutalement à sa dernière émission présente sur Radio France, « l’Esprit public ». Bien sûr, nul n’est propriétaire de l’antenne, même après dix-neuf ans de débats politiques aussi courtois que de haut vol, dont on ne peut ressortir que moins bête. Mais enfin…

Fidèle auditeur ignorant des arcanes de la Maison ronde, j’ai pu constater que ça a commencé à tourner vinaigre quand le très honnête Philippe Val (voir sa loyauté indéfectible envers son ancien compère, Patrick Font !) a coupé les subsides à « La prochaine fois je vous le chanterai » prétextant que les comédiens du Français interprétant notre patrimoine « chansonnier » revenaient trop cher à l’aimable payeur de redevance.

Puis, en mars 2015, après une tribune moins assassine que lucide dans « le Monde » intitulée « Il faut stopper la dérive de Radio France », le beau Matthieu Gallet, plus expérimenté en moquette et en vidéo qu’en art radiophonique, et Frédéric Schlesinger, directeur des programmes dudit groupe, ont « dégagé » cette émission irremplaçable née en septembre 2000.

Philippe Meyer : " Il faut stopper la dérive de Radio France "

Maintenir l'exigence du service public nécessite d'avoir un projet. C'est ce qui manque à la direction de la Maison ronde depuis plusieurs années, explique Philippe Meyer, animateur à France Inter.

http://www.lemonde.fr

En février 2017, l’essayiste centriste Jean-Louis Bourlanges fut prié de s’éloigner momentanément du micro de « l’Esprit public » en raison de son soutien affiché à Emmanuel Macron.

Signe avant-coureur.

Dimanche 28 mai, Philippe Meyer lit en direct la lettre de la direction lui annonçant que son émission n’a plus sa place dans la grille de rentrée.

Vite un petit curriculum vitae du Mammifère omnivore s’impose…

• Naissance le jour de Noël de l’an de grâce 1947.

• 1965, études de droit et de sociologie à Nanterre.

• Travaille comme éducateur dans un centre de prévention de la délinquance juvénile.

• Novembre 1967 : préside le comité de grève des étudiants au côté d’Yves Stourdzé et de Jean-François Godchau.

Mai 68 : milite avec le philosophe Paul Ricœur (cher à notre Manu Macron), héraut de la réforme de l’université, et des militants chrétien membres d’un comité d’action qui deviendra… « Nous sommes en marche » (1968-1972). Ça ne s’invente pas !

• Découverte du Canada francophone grâce à une bourse de l’Office franco-québécois pour la jeunesse. Contacts avec le Parti québécois et des artistes tels que le cinéaste Denys Arcand et l’inimitable Gilles Vigneault (enfin pas si inimitable que ça puisque François Morel y arrive !).

• 1977 : passe sa thèse de doctorat, « l’Enfant et la Raison d’État », sous la direction d’Annie Kriegel et de Philippe Ariès.

Chercheur au Centre de santé mentale du professeur Philippe Paumelle.

Sur la Toile, on peut lire : « En 1980, en désaccord avec la réforme menée par Alice Saunier-Seïté qui aboutit à la suppression du statut des chercheurs “hors-statut” (indépendants), il décline une invitation à entrer au CNRS et devient journaliste. »

« Sur le tard », comme il le dit…

Mais sa carrière universitaire ne s’arrête pas là. « De 1984 à 2007, il est maître de conférences à Sciences Po, où il enseigne d’abord la sociologie des médias et où, à partir de 1997, il anime un séminaire consacré à Paris, son histoire et ses problématiques urbaines contemporaines. »

« Nouvelle impulsion à sa carrière », pour reprendre une expression mortifère des médiocrates du privé. Prolongeons le CV.

• Presse écrite : « Esprit », « L’Express » (où Jean-François Revel l’embauche pour rajeunir la rédaction), « Le Point », « L’Événement du jeudi »…

Radio dès 1982 : France Culture, Inter, Musique(s) [petit clin d’œil à Pierre Bouteiller]. Chronique de 8h45 dans la matutinale d’Inter (« Heureux habitants du Val-de-Marne et des autres département français… »). Depuis 1998 : « L’Esprit public ». De septembre 2000 à juin 2016, « La prochaine fois, je vous le chanterai ». De septembre 2010 à juin 2014, « La Chronique du Toutologue sur Culture » (« Auditeur sachant auditer, ça n’est pas pour me vanter, mais…).

Toute ressemblance avec ce blog serait un compliment…

 • Télévision : sur M6 en 1987, «Revenez quand vous voulez », sur Arte « Anicroches ».

En 1989, écrit les textes du film de Frédéric Rossif « De Nuremberg à Nuremberg ». (Et a une altercation sur Inter avec un Jacques Toubon qui lui affirme que ce genre de film fait monter le Front national !) 

 

De 2000 à 2001, dans « L’Heure de vérité », il est le portraitiste de l’invité de l’émission. France 2 ne le soutient pas quand un différend l’oppose à Martine Aubry.

Politique culturelle : conseil d'administration du Théâtre du Châtelet, Commision du Vieux Paris, membre de différents jurys de concours, dont celui des Halles.

 • Politique tout court : apparenté Modem, se présente aux municipales dans le 5e arrondissement de Paris en 2008.

 • Essais-littérature : signe 18 ouvrages, dont le délicieux « Le communisme est-il soluble dans l’alcool ? »…

 • Président d’Éclat, organisateur du Festival de rue d’Aurillac.

 • Acteur pour les petit et grand écrans : « Ça commence aujourd’hui » de Bertrand Tavernier. « L’Affaire Picpus » de Jacques Fansten. Dans la série Maigret, il est le patron du très regretté Bruno Crémer !

 • Sur les planches, interprète ses propres textes : « Causerie », en 1997 et 1999 ; « Paris la Grande » (2001), « L’Endroit du cœur (avec vue sur l’envers) ». Pour la Comédie française, écrit et dirige en octobre 2010 « Chansons des jours avec et chansons des jours sans ». Spectacles avec Jean-François Zygel, qui lui a d’ailleurs succédé sur la tranche horaire de « La prochaine fois je vous le chanterai ».

Son tour de chant autour de Paris attire au débotté 500 spectateurs au Chili. Il faut dire que le Mammifère omnivore connaît bien ce pays…

Fondateur du Syndicat de la magistrature, le coruscant Louis Joinet publie en 2013 « Mes Raisons d’État, Mémoires d’un épris de justice ». On y peut lire ceci :

« Je me souviens à ce propos, en novembre 1973, d’une mise “en Seine” un peu lunaire par laquelle était passée notre active solidarité avec les détenus et résistants chiliens : c’est sur un bateau-restaurant amarré aux quais de Boulogne, noyés dans le flot des touristes, qu’avec […] Philippe Meyer, j’avais eu à rencontrer Jean Mazoyer, un commerçant français marié à une actrice chilienne. C’était le patron de la Sorimex, société de Renault chargée des “paiements par compensation”, c’est-à-dire des procédures de troc dans les pays à monnaie faible : on pouvait s’y acheter des automobiles Renault si on les payait en marchandises : café, sucre ou minerai de cuivre.

Dans le cadre du “Comité de soutien à la lutte révolutionnaire du peuple chilien”, nous collections des sommes d’argent, mais nous avions toutes les peines du monde à les acheminer vers le Chili, verrouillé par Pinochet. L’affaire avait d’ailleurs été mal engagée du fait d’un premier émissaire par trop improvisé. Je n’ai rien voulu savoir de ces premières embrouilles, mais j’ai dû m’intéresser aux moyens de mettre en œuvre une filière fiable de financement. Évoquant cette époque avec Philippe Meyer, je me suis remis en mémoire ce qui amena à rencontre Jean Mazoyer.

» La poésie, me rappelle-t-il, s’en était mêlée : c’est Dominique Éluard (la “muse” de Paul) qui lui présenta Mazoyer. Elle-même participait à la défense des droits des détenus et celui qui était son nouveau compagnon (un ancien communiste, aussi) était dans le staff de Renault. C’est pour mieux préparer son voyage au Chili que Philippe Meyer l’avait rencontré avec moi sur ce restaurant flottant. Nous étions convenus, avec mon collègue italien Salvatore Senese, de Magistratura Democratica, de l’envoyer en mission au Chili pour enquêter auprès des opposants sur leurs besoins prioritaires et pour choisir sur le terrain les meilleures voies d’acheminement de nos aides financières. On n’était guère plus de deux mois après le putsch de Pinochet [le 11 septembre 1973… oui déjà un 11 septembre !] ; le couvre-feu était sévère et le contrôle des étrangers extrêmement strict.

» Philippe s’envola pour Santiago sous un prétexte que lui fournit Jean Mazoyer : il le fit embaucher par un industriel français de l’agroalimentaire pour réaliser une étude de marché sur la pêche au Chili. Un élément imprévu vint pimenter cette affaire halieutique : le patron français de Philippe Meyer, complice involontaire de son action pour la résistance, était très favorable à Pinochet ! [Lequel était soutenu par les libéraux de l’École de Chicago.] Dans ces conditions, Philippe fut si soucieux de sauvegarder sa “couverture” et déploya un tel zèle dans son étude que son patron d’un mois fit des pieds et des mains pour l’embaucher définitivement ! Cette couverture impliqua pour Philippe de passer ses journées au marché aux poissons, avant de se doucher pour aller honorer ses discrets rendez-vous entre deux couvre-feux. De ses contacts, il ressortit qu’il fallait établir les circuits financiers les plus “tordus” possibles. Ils furent mis au point grâce à Luis Alberro (frère du rédacteur en chef d’alors de “Tribune socialiste”, la revue du PSU). Luis était le boss, au Mexique, du Banco Atlantico… Ainsi purent s’établir des liaisons clandestines, allant des Comités Chili et d’autres organisations de solidarité jusqu’au Comité “Pro Paz”, au Chili, qui se chargeait de répartir l’ensemble de ces fonds entre les détenus et les autres victimes du régime militaire. »

Avant le Chili, Philippe Meyer participe au Groupe d’information sur les prisons (GIP), créé en février 1971 à l’initiative de Michel Foucault. Dans ses rangs, Gilles Deleuze, Daniel Defert…

En 1972, à la suite de la répression des mutineries des prisons de Nancy et de Toul, le GIP, ayant regroupé force informations auprès des détenus, pactise avec le Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine pour en écrire une version dramaturgique. Louis Joinet écrit : « Michel Foucault me demanda d’intervenir en tant que conseiller technique : je devais, comme magistrat, assister au “filage” prévu, pour vérifier sa conformité avec les pratiques judiciaires. C’est ainsi que j’ai débarqué dans les coulisses de la Cartoucherie de Vincennes – qui abritait le Théâtre du Soleil – où je n’allais pas tarder à être un peu comme chez moi. Et là, stupéfaction : sur la scène, Michel Foucault, Gilles Deleuze, Philippe Meyer et autres “amateurs” jouaient des rôles de flics ou de greffiers… Seuls les rôles principaux avaient été attribués à des comédiens professionnels. Ariane Mnouchine s’était gardé le rôle de l’“avocat(e)”, portant haut la parole des sans-parole. »

Donc Philippe Meyer a été remercié par une directrice d’antenne, ex-journaliste avec qui je n’ai pas eu de joie à travailler…

À mon tour de narrer deux petites anecdotes…

 

 

Courant de gris matin sur la plage de Merville, Calvados, où j’essayais de rattraper les pur-sang qui pataugeaient dans l’écume, je fus pris d’un malaise, non point physique mais psychique : j’apprenais par mon doudou-radio que ladite journaliste était devenue directrice adjointe de France Culture. Je mesurai ô combien j’avais gâché ma vie à essayer de bien faire mon travail !

Son nom me remontait du fond de la mémoire. Jeune éphèbe de 35 ans, je travaillais alors comme correcteur pour un guide gastronomique naguère dirigé par deux journalistes dont la dilection pour la gauche n’était pas avérée.

Mes collègues et moi, nous nous lamentions sur la prose de la damoiselle : « Dans cette boulangerie, on trouve du pain de qualité… », « La boucherie d’Henri vous propose de la viande fraîche… »

Bref, nous réécrivions ses textes et les amendions avec les adresses exactes, les bons numéros de téléphone… Aussi ne fûmes-nous guère récompensés ! La pigiste convoqua le directeur du guide. Elle connaissait un VIP (au demeurant aussi sympathique que dilettante) qui d’ailleurs officiait encore à France Inter. Elle se plaignit de nos interventions lexicales qui ne respectaient pas sa prose originelle. Le bon directeur, courageux comme le sont souvent les directeurs, nous recommanda de freiner sur l’encre rouge. Un (h)auteur, c’est comme les familles françaises, ça se respecte !

Le 25 juin dernier,  notre Toutologue closant son « Esprit public » cita Chateaubriand :

«Il faut être économe de son mépris en raison du grand nombre de nécessiteux. »

En attendant, et puisqu’il n’y a plus de météo marine sur France Inter, sachez que, comme l’écrivait Alexandre Vialatte, « la mer sera agitée à très agitée, sauf dans le Massif central ».

Que le Ciel vous tienne en joie, Monsieur le Toutologue !

 

 

Ce n’est pas pour me vanter mais j’ai l’impression que la postmodernité fait rage.

  

Bonus multimèd : 

Billet de François Morel

 

Jean-François Zygel , la preuve par Z dusamedi 24 juin 2017

Monsieur Meyer

A l'occasion de son départ de Radio France, La Preuve par Z rend hommage au grand homme de radio qu'est Philippe Meyer.

https://www.franceinter.fr

 

Chansons de Paris par Philippe Meyer himself

Avec le pot de cast, les producteurs-animateurs ne meurent pas dans l’instant. 

Et pour finir, une chanson d'actualité interprétée par le groupe préféré de Philippe Meyer

 

 

 

 

 

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