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Avec accusé de déception
26 mai 2017

Il pleut, y compris des obus et du plomb… “Je ne me suis jamais occupé de politique ! – C’est pour cela que je te tue!”

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Exécution des 47 otages rue Haxo, le 26 mai 1871

(à noter qu'il s'agit d'un montage photographique)

La pluie arrive, avec les averses, les versaillais reprennent l’offensive.

La Bastille cède vers deux heures de l’après-midi. Les « pantalons rouges » nettoient Aligre. Rue Crozatier, un vieillard est fusillé sur un tas d’immondices. Il aurait déclaré :

« Je me suis battu bravement, j’ai le droit de ne pas mourir dans la m… »

Vaste entrepôt de pétrole, les docks de la Villette sont en flammes. Encore les obus versaillais.

Jules Vallès a appris l’exécution de Mgr Darboy et des autres otages. Avant hier, il n’a pas empêché qu’on abatte deux suspects. L’un parlait comme un de ces rentiers de la rue Vieille-du-Temple. « Je ne me suis jamais occupé de politique ! C’est pour cela que je te tue !”     - répondit un fédéré dont la main gauche avait été emportée par la mitraille. Il le braquait avec son revolver de sa main valide mais qui ne tremblait pas. Le gaillard au moignon ganté lui a décoché cette tirade :

« Les gens qui ne s’occupent pas de politique ! Mais ce sont les plus lâches et les plus coquins ! Ils attendent, ceux-là, pour savoir sur qui ils baveront ou qui ils lécheront, après la boucherie ! »

Rue Haxo, c’est une nouvelle fournée : une dizaine d’ecclésiastiques, trente-cinq gendarmes et quatre mouchards.

Quelques élus s’interposent, dont Louis Piat, Serrailler, Varlin et Vallès. En prenant des otages, la Commune, qui n’est pas responsable de ces exécutions, les avait rendues possibles.

Depuis dimanche, les fédérés ont fait aussi des prisonniers. Quand, sous bonne escorte, ils traversent Belleville ou Ménilmontant, ils ne soulèvent point l’indignation. Or, ces gendarmes, mouchards et autres culs-bénits personnifient l’Empire et ses vilenies quand ce n’est pas la chouannerie légitimiste. Le peuple a désormais envie de se revancher.

En tout, l’Histoire pourra reprocher à certains élus de la Commune l’exécution de douze otages (sur deux mille !). Quant aux autres victimes, quelque cinquante personnes, elles ont payé l’angoisse mortelle qui a saisi le peuple de Paris, révulsé par la barbarie de troupes de Mac-Mahon.

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 Otto von Bismark

Depuis lundi, Bismarck est sorti de sa neutralité malveillante. Les Prussiens arrêtent les Parisiens qui parviennent à quitter la capitale en flammes et désarment les fédérés qui veulent y entrer.

Fils d’un ouvrier tonnelier, Jean-Baptiste Millière est un autodidacte. À force de sacrifices, il parvient à faire des études de droit et devint avocat. Il se fait journaliste et, étudiant Cabet, se découvre socialiste, ce qui lui vaut des déboires professionnels et judiciaires : il est incarcéré deux mois en qualité de rédacteur et de directeur-gérant de « la Marseillaise » de Rochefort. Très populaire, Millière est élu à l’Assemblée nationale. Entre-temps, il a écrit un article mettant en cause le ministre Jules Favre : celui-ci a fait un faux pour capter un bel héritage…

Après le 18 Mars, Millière fait tout pour concilier Paris et Versailles. La guerre civile déclenchée, il anime l’Alliance républicaine des départements et signant des articles dans le journal « la Commune », mais sans occuper aucun poste officiel.

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Mort de Millère

Aujourd’hui, Millière est reconnu par un mouchard près du Luxembourg, où les cadavres s’amoncellent. Le capitaine Garcin, qui déjeune au restaurant de Tournon avec le général Cissey, assure l’avoir sauvé du lynchage. Millière argue de sa qualité de député. Qu’on le fusille, est la réponse de Cissey. « J’ai lu des articles de vous qui m’ont révolté, dit le petit capitaine; vous êtes une vipère sur laquelle on met le pied. » Quand Garcin lui signifie qu’il sera fusillé à genoux sur les marches du Panthéon, Millière proteste : « Je ne me mettrai à genoux que si vous m’y faites mettre par deux hommes. » Avant de s’abattre, il crie :

« Vive l’humanité !  » Un soldat vient lui tirer une balle de chassepot dans la tempe.

Bientôt tout Paris murmurera que Garcin a été l’exécuteur du bon Jules Favre. Succession, exécuteur testamentaire, exécuteur court…

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