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Avec accusé de déception
23 mai 2017

Mardi 23 mai : “Il y avait du marquis de Sade chez les sauveurs de la société et de la famille”

mathilde verlaine 

Tandis Mathilde Verlaine, 17 ans, enceinte de 4 mois, cherche dans Paris son mari, qui travaille au service de presse de l’Hôtel de Ville, les « versaillais » prennent à revers les portes qui vont de Neuilly à Saint-Ouen, fondent sur les Batignolles et traversent la zone neutre tenue par les Prussiens. Vers neuf heures, les canons de Montmartre se taisent. Tout le XVIIIe arrondissement est tombé aux mains des « pantalons rouges ».

canons-montmartre-commune-de-paris

Quatre enfants, trois femmes et quarante-deux hommes sont fusillés à genoux et nu-tête au n° 6 de la rue des Rosiers, devant le mur où les deux généraux ont été exécutés par leurs propres hommes le 18 mars. Une des trois femmes, un enfant blotti contre son sein, refuse de s’agenouiller et hurle à ses camarades :

« Montrez à ces misérables que vous savez mourir debout ! »

Dans l’arrondissement voisin, les royalistes font du parc Monceau l’abattoir du XVIIe. Louise Michel abandonne la barricade de la place Blanche pour se replier sur celle de Pigalle, qui succombe vers deux heures.

louisemichel1

Louise Michel

Pourtant, la résistance communeuse n’est pas anecdotique. Les versaillais perdront cinq généraux, soixante-dix-huit officiers, près de huit cents hommes de troupe. Sans compter les blessés: dix généraux, quatre cent vingt officiers et six mille lignards.

 

Walery_Antoni_Wróblewski

Walery Wroblewski

Le Polonais Wroblewski s’installe à la Butte-aux-Cailles, entre les forts du Sud et le Panthéon.

Le Comité de salut public pare au plus pressé : trouver auprès de la Banque de France 500 000 francs pour nourrir les soldats. Réquisition générale pour les chefs de barricade. Toute maison d’où l’on tire sur un fédéré sera immédiatement incendiée.

 

Commune_de_Paris_nuit_du_23_au_24_mai_incendies_dans_Paris

Exposition La Commune de Paris à l'Hôtel de Ville de Paris (18 mars - 28 mai 2011) -

Panorama des incendies dans Paris du 23 au 25 mai -

Lithographie d'Emile Deroy - Musée Carnavalet.

 

Les premiers brassadiers fleurissent dans les quartiers bourgeois reconquis. Les voilà qui accueillent les « libérateurs » avant d’aller rédiger leurs lettres de dénonciation.

Le  Comité central de la Garde nationale y va de son adresse :

« Nous sommes pères de famille… Vous serez un jour pères de famille. Si vous tirez sur le peuple aujourd’hui, vos fils vous maudiront, comme nous maudissons les soldats qui ont déchiré les entrailles du peuple en Juin 1848 et en Décembre 1851. Il y a deux mois, vos frères ont fraternisé avec le peuple : imitez-les. »

Arthur_Arnould_1871Histoire-populaire-et-parlementaire-de-la-Commune-de-Paris

Arthur Arnould (1833-1895)

Dans l’avant-dernier chapitre de son « Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris », Arthur Arnould écrit :

« Un exemple entre mille, raconté par un témoin oculaire, le chirurgien d’un hospice. Au moment où les versaillais entrèrent dans l’hôpital, il achevait le pansement d’une cantinière de dix-huit ans, à qui on venait de couper le bras. L’officier versaillais laissa terminer le pansement, puis il fit descendre la jeune fille dans la cour, où on la fusilla sous ses yeux ! Il y avait du marquis de Sade chez les sauveurs de la société et de la famille. »

Tombé à la barricade de la rue Myrrha, le général Dombrowski meurt à Lariboisière.

Les Tuileries sont en flammes. La Cour des comptes, le Conseil d’État, la Légion d’honneur, tout brûle !

Le vent d’est se lève, qui pousse les flammes vers les royalistes et les beaux quartiers. Les rues du Bac, de Lille, de la Croix-Rouge dessinent alors un rideau de feu. L’incendie illumine la Maison commune, où repose le corps de Dombrowski.

1313975-Paris_et_ses_ruines__lHôtel_de_Ville_après_lincendie_de_la_Commune_en_1871

 

 Laissons la parole à Alain Buisine, auteur de « Paul Verlaine, histoire d’un corps » (Tallandier, 1995) :

« Terrifié par la canonnade et terré dans un cabinet de toilette sans fenêtre, il n’a qu’une idée en tête : attirer la petite bonne dans cet obscur réduit “pour la rassurer, disait-il, pour se rassurer aussi sans doute. À deux, on est plus brave”. D’un côté, on peut être déjà consterné même par l’attitude de Paul Verlaine ne pensant qu’à lutiner sa jeune servante alors que l’Histoire se joue à sa porte. De l’autre, il y a aussi une forme de paradoxale grandeur dans cet absolu refus de l’Histoire majusculée, dans cette façon d’affirmer qu’aucun événement politique et guerrier ne vaudra jamais un accouplement, fût-il trivialement ancillaire. Car telle sera toujours la position de Verlaine : l’irrécupérable anarchisme des conduites privées dérangera toujours plus que les engagements politiques. »

Petit bonus musical pour se détendre avec la grande Barbara :

 

 

 

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