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Avec accusé de déception
5 avril 2017

“Et malgré-vous, vous r’deviendrez français”

« Raconter, c’est résister »,

 Guimarães Rosa,

écrivain brésilien

 (1908-1967)

Ce n’est pas pour faire mon malin, mais dans « le Monde » du 15 mars dernier, je suis tombé sur l’article « Un “mur des noms” de la guerre de 39-45 crée l’émoi » : « En Alsace, un monument va mêler victimes civiles et militaires, ainsi que les “malgré-nous” enrôlés dans les SS ». Diantre ! « Lancé en 2008, ce projet d’un montant de 1,2 million d’euros, financé par la région Grand-Est, répondait à une demande des associations des descendants de “malgré-nous”, gardiennes de la mémoire des 134 000 Alsaciens et Mosellans incorporés sous la contrainte dans les rangs des formations militaires du IIIe Reich. Près de 30 000 d’entre eux furent tués, le plus souvent sur le front de l’Est. »

 

En Alsace, un " Mur des noms " pour rendre hommage aux victimes de la seconde guerre mondiale crée l'émoi

A Schirmeck, dans le Bas-Rhin, un monument va regrouper les noms de 52 000 soldats, déportés juifs, résistants, civils mais aussi de " malgré-nous " enrôlés dans la Wehrmarcht et la Waffen-SS. Le Monde | * Mis à jour le | Par Antoine Flandrin Le Mur des noms des victimes alsaciennes et mosellanes de la seconde guerre mondiale sera inauguré, à Schirmeck (Bas-Rhin), en 2018.

http://www.lemonde.fr

Professeur à l’université de Strasbourg, Philippe Breton resitue bien le débat : « Avoir été un authentique enrôlé de force dans les Waffen-SS, sous la menace, y compris de la déportation des familles, ne dispense en rien de la responsabilité morale des actes commis par certains. Peut-on faire figurer sur un même monument les noms de résistants, de déportés et de personnes dont on ne sait pas s’ils ont pris part à des crimes contre l’humanité ? »

Terrible histoire que celle de l’Alsace-Lorraine.

Nous savons qu’à Oradour-sur-Glane des SS alsaciens ont aussi massacré des réfugiés alsaciens…

Oradour-sur-Glane-Entrance-1361 Public domain. Photographe :(Dennis Nilsson)

Mais derrière ces tragédies se dissimulent deux tabous de l’Histoire… (J’emprunte évidemment le mot tabou à Marc Ferro, auteur des «  Tabous de l’Histoire », éd. Nils, Paris, 2002.) Deux tabous donc : le spectre d’un référendum voulu par les seuls communistes et la germanophilie de beaucoup d’Alsaciens-Lorrains…

Ainsi qui se souvient que la Section française de l’Internationale communiste (le PC pas encore PCF) réclamait, au début des années 1920, un référendum d’autodétermination pour l’Alsace-Lorraine ?

Dans « Histoire intérieure du parti communiste 1920-1945 », Philippe Robrieux écrit : « On notera l’utilisation sur le Parti d’une formulation souvent utilisée par les Allemands : “L’Alsace-Lorraine”, quand l’opinion publique et les milieux gouvernementaux de France, disent, eux, “l’Alsace et la Lorraine”. On notera aussi que l’“on” choisit au congrès de Saint-Denis pour lire [l’adresse fraternelle du Parti aux travailleurs d’Alsace-Lorraine] Marcel Cachin… qui avait pleuré à la fin de la guerre lors de l’entrée triomphale des Français à Strasbourg. »

Restons à Strasbourg…

Charles Hueber, Archives départementales du Bas-Rhin, 32 Fi 19 By Pierre67430 CC

Élu député communiste en 1924, puis maire de Strasbourg cinq ans plus tard, Charles Hueber dénote par son soutien à l’autonomisme alsacien. Cet ancien membre du soviet de Strasbourg s’exprime à la Chambre des députés dans la langue de Goethe !

Mais il est bien trop tard, les troupes d’occupation françaises ont depuis 1919 invalidé de fait tout référendum d’autonomie.

Revenons deux ans plus tôt et cédons naturellement la parole à Marc Ferro : « Une heure de vérité sonne en 1917, lors de la révolution de février en Russie : les populistes et les mencheviks au pouvoir avec Kerenski et Ceretelli reçoivent en grande pompe les socialistes français venus saluer la révolution démocratique. Parmi eux, il y avait Marcel Cachin, qui allait devenir communiste plus tard, et Albert Thomas, ministre du gouvernement Ribot. Ils venaient surtout encourager les Russes à continuer la guerre. Or, un des obstacles à la paix était la revendication de la France qui demandait le retour de l’Alsace-Lorraine. En bons démocrates, les socialistes russes ont dit à Albert Thomas : “Organisons un référendum et demandons aux Alsaciens-Lorrains ce qu’ils souhaitent. – Pas question, répondit Albert Thomas ; jamais je n’oserai rentrer dans mon pays en proposant un référendum.” Il était tellement évident qu’ils souhaitent redevenir français qu’il valait mieux éviter de le leur demander… Au vrai, ils ont bien manifesté ces sentiments-là, mais après la défaite des armées allemandes. »

Affiche avec les membres du gouvernement provisoire d'origine en Mars 1917 dont Alexandre Kerenski en haut à droite

Malgré le soutien (un peu trouble) de Marcel Cachin, Charles Hueber est exclu du PCF au congrès de 1929. Cofondateur du Kommunistische Partei-Opposition, il s’éloigne donc de la ligne moscoutaire tout en adoptant une attitude de plus en plus germanophile. À Strasbourg, il supprime le feu d’artifice du 14 Juillet, promeut les spectacles en allemand au Théâtre municipal.

De 1989 à 2001, sur la Sept puis Arte, Marc Ferro a animé « Histoire parallèle ». En 1990, le téléspectateur, médusé, a pu voir  «  l’accueil que les Lorrains germanophobes ont réservé à la Wehrmacht en 1940, après l’armistice. Sans doute beaucoup d’entre eux et d’Alsaciens aussi ont-ils souhaité une fois encore quitter le pays et ils se sont réfugiés en zone libre. Mais parmi ceux qui sont restés, il en est qui avaient d’autres sentiments… […] ont fait scandale les images des actualités allemandes où on voyait des soldats de la Wehrmacht arracher les plaques commémoratives d’une petite ville de Lorraine germanophone où étaient inscrits les morts de la guerre de 1914-1918 pour y substituer une plaque avec la liste des morts allemands de cette même guerre ; beaucoup de lettres de protestation ont été adressées à la Sept, parce qu’il y avait beaucoup de monde à cette cérémonie, qu’il pleuvaient des trombes, et que ces Lorrains s’étaient néanmoins déplacés. De même nature et également tabou l’accueil des habitants de Domrémy, la ville de Jeanne d’Arc, à ces mêmes soldats de la Wehrmacht… ».

Un petit aperçu des fameuses émissions de Marc Ferro

 Après s’être rapproché des cléricaux et des nationalistes alsaciens, Charles Hueber rallie le nazisme en 1940 et adhère même au parti. Depuis longtemps malade du diabète, il meurt le 18 août 1943. Les nazis lui font des funérailles grandioses.

Vous vivez une époque post-moderne et je n’aimerais pas être à votre place.

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