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Avec accusé de déception
17 mars 2017

“Clauses Molière”, prélude à la “Clause Barbie” ?

 

« Raconter, c’est résister »,

 Guimarães Rosa,

écrivain brésilien

 (1908-1967)

 

Ce n’est pas pour faire mon malin, mais, François Truffaut avait raison, les chansons disent souvent la vérité.

Prenez « Tout ce qui est dégueulasse porte un joli nom », d’Allain Leprest. Eh bien ! ce titre s’applique aux « clauses Molière ». C’est honteux mais ça sonne bien.

 

La belle interprétation d'Olivia Ruiz

 

507px-Moliere_theatrefrançais copie le monde

En lisant « le Monde », j’ai cru, n’était-ce le calendrier, à un poisson d’avril : « Les Régions tentées par la préférence nationale. Les “clauses Molière”, qui permettent aux collectivités d’imposer le français sur les chantiers, se multiplient. »

Et puis j’ai vu que cette mesure humaniste était notamment soutenue par Valérie Pécresse, sur des décors de Vincent You, adjoint au maire d’Angoulême, et des costumes de Laurent Wauquier. Au théâtre ce soir avec l’auteur de Tartuffe.

En réalité, il s’agit de protéger les 286 025 travailleurs détachés en France (1% de la population active). Tandis que dans les bureaux de La Défense, on parle allègrement la langue (appauvrie) de Shakespeare, sur les chantiers, les 46 000 Polonais, les 44 000 Portugais et autres 35 000 Espagnols détachés doivent pour leur bien s’exprimer dans celle de Molière. Et moi qui pensais ce fût une mesure raciste, inapplicable et démagogique.

Président de la Confédération des petites et moyennes entreprises et ancien vice-président de la Fédération française du bâtiment, François Asselin nous rassure : « Courant 2017, l’ensemble des salariés du bâtiment vont être équipés de cartes d’identification numériques. Un contrôleur pourra vérifier, à l’aide d’un Smartphone [en français, ordiphone], si la personne est en règle pour travailler sur un chantier en France. »

D’aucuns pourraient dire que ces « clauses Molière » prouvent, comme l’affirme Elisabeth Morin-Chartier, pourtant députée européenne (LR), qu’elles constituent « le piège du repli nationaliste dans lequel le FN veut enferrer notre pays ».

Personnellement, je pense que c’est encore plus grave. N’est-ce point le triomphe du petit Blanc, du prolo franchouille ou du récent immigré qui referme la porte derrière lui ?

Je me souviens du 24 décembre 1980 quand un commando conduit par le maire « communiste » de Vitry-sur Seine, Paul Mercieca, a saccagé à coups de bulldozer un foyer abritant 300 immigrés maliens (tous des hommes).

« Joyeux Noël, les Bamboulas ! » 

Non, mais c’était au nom de l’internationalisme prolétarien…

Foyer malien à Vitry

Graves incidents mercredi à Vitry sur Seine où un foyer qui devait accueillir 300 immigrés maliens a été saccagé par un commando d'une cinquantaine de personnes conduites par le maire communiste de Vitry, Paul MERCIECA.

http://www.ina.fr

Alors comment ne pas songer à Jacques Prévert, un temps compagnon de route du PCF, qui a signé en 1951 « Étranges étrangers » ? Mort en 1977, il n’a pas assisté à ce triste Noël glacial.

 

Dans cette vidéo ci-dessous, cet ancien membre du Groupe Octobre récite lui-même son poème, accompagné par le génial guitariste Henri Crolla… un putain de Rital qui fricotait avec les Manouches de la zone.

 

Etranges étrangers de Jacques Prévert

La longue période de crise que nous vivons fait ressurgir toutes les peurs dont se nourrissent les discours xénophobes et la recherche de bouc-émissaires. Le poème de Jacques Prévert, Etranges étrangers paraît en 1951 dans le recueil Grand bal de printemps.* En...

http://www.paris-a-nu.fr

 

 Etranges étrangers

Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel
Hommes de pays loin
Cobayes des colonies
Doux petits musiciens
Soleils adolescents de la porte d'Italie
Boumians de la porte de Saint-Ouen
Apatrides d'Aubervilliers
Brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris
Ébouillanteurs des bêtes trouvées mortes sur pied
Au beau milieu des rues
Tunisiens de Grenelle
Embauchés débauchés
Manœuvres désœuvrés
Polaks du Marais du Temple des Rosiers


Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone
Pêcheurs des Baléares ou du cap Finistère
Rescapés de Franco
Et déportés de France et de Navarre
Pour avoir défendu en souvenir de la vôtre
La liberté des autres

Esclaves noirs de Fréjus
Tiraillés et parqués
Au bord d'une petite mer
Où peu vous vous baignez
Esclaves noirs de Fréjus
Qui évoquez chaque soir
Dans les locaux disciplinaires
Avec une vieille boîte à cigares
Et quelques bouts de fil de fer
Tous les échos de vos villages
Tous les oiseaux de vos forêts
Et ne venez dans la capitale
Que pour fêter au pas cadencé
La prise de la Bastille le quatorze juillet

Enfants du Sénégal
Dépatriés expatriés et naturalisés

Enfants indochinois
Jongleurs aux innocents couteaux
Qui vendiez autrefois aux terrasses des cafés
De jolis dragons d'or faits de papier plié
Enfants trop tôt grandis et si vite en allés
Qui dormez aujourd'hui de retour au pays
Le visage dans la terre
Et des bombes incendiaires labourant vos rizières
On vous a renvoyé
La monnaie de vos papiers dorés
On vous a retourné
Vos petits couteaux dans le dos

Étranges étrangers

Vous êtes de la ville
Vous êtes de sa vie
Même si mal en vivez,

Même si vous en mourez

Vous vivez une époque post-moderne et je n’aimerais pas être à votre place.

Bonus rien que pour vous !

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